PDF| On Apr 20, 1993, Emmanuelle Godeau published « Dans un amphithéâtre » | Find, read and cite all the research you need on ResearchGate Mollusquede forme allongée ayant des tentacules. Étages dans un stade ou un amphithéâtre. Distingué, éminent. Corps médical. Contrôleur de jeu vidéo. Prénom de Puccini, compositeur italien. Course à pied ou pantalon de sport. Pierre découverte en 1799. Prière chantée et récitée. Partenaire de Hutch dans la série des années 1970 . Débarras en haut des maisons, souvent Bienqu’il ait, dit-on, déjà paru avec succès sur divers théâtres d’Italie, il n’a pas encore en scène l’aplomb qui seul peut lui permettre de montrer toutes les ressources de son talent ; du moins l’avons-nous pensé en voyant un peu d’hésitation et de trouble dans son jeu et dans son chant à ce premier début. Peut-être sera-t-il plus sûr de sa mémoire et de son sang WordLanes est un jeu dans lequel vous devez deviner, dans chaque niveau, plusieurs mots à partir d'une définition donnée. Chaque niveau possède plusieurs mots à trouver. Découvrez dans cet article la solution de la définition Étages dans un stade ou un amphithéâtre. . Solution de jeux mobile. Étages dans un stade ou un amphithéâtre - Word Lanes. Word Providedto YouTube by The Orchard EnterprisesDans Un Amphithéâtre · Les Top MachineSuper Nouba Vol. 1℗ 2008 Blue CatReleased on: 2008-03-25Music Publisher: Dansun amphithéâtre · La Bande à DuduleMaxi chansons paillardes (53 titres)℗ EGTReleased on: 2006-11-22Author: PUB DOMComposer: PUB DOMAuto-generated by You . La mort a un double aspect elle est le non-être. Mais elle est aussi l’être, l’être atrocement matériel du cadavre M. Kundera, 1987 [1978] 262, cité par H. Guy, 2012 3.Car un cadavre est essentiellement une absence, une chose quittée [...] celui que nous aimons [...] laisse entre nos bras cette part de son être, la seule visible, la seule tangible, et qui pourtant ne lui ressemble plus F. Mauriac, 1934 53, cité par J. Candau, 2012 33. 1Je me propose ici de montrer que le cadavre possède naturellement toutes les qualités requises pour être investi du rôle dévolu dans des sociétés non occidentales, en l’occurrence océaniennes, à des artefacts considérés comme des plus sacrés qui ont focalisé l’attention d’un certain nombre d’ethnologues. Pour ce faire, je prendrai appui sur les travaux que j’ai menés sur l’un des objets cultuels des Aranda, un groupe aborigène du désert central australien le churinga ou tjurunga Moisseeff, 1994, 1995. De fait, cet objet occupe une place majeure, non seulement dans les rites des Aborigènes du désert central australien, mais aussi dans la littérature anthropologique. Or les conditions à même de rendre compte de la sacralité paradigmatique dont on le dote reposent, d’un côté, sur sa matérialité paradoxale, de l’autre, sur la charge émotionnelle qu’il est susceptible de générer. 2Dans la cosmologie des Aborigènes australiens, la différenciation de toutes les formes, qu’il s’agisse d’entités matérielles à proprement parler – traits du paysage, êtres vivants, objets cultuels, etc. – ou de principes organisateurs de la vie sociale et de traits culturels spécifiques, est attribuée à un même dynamisme, le mouvement spatial, que l’on désigne dans l’anthropologie de cette aire culturelle comme le Rêve ». Mais si le Rêve est la source de toute chose différenciée, il demeure pour sa part invisible. Seuls les churinga sont aptes à donner prise à une représentation tangible de ce dynamisme ontologiquement transparent. Cet objet plat, en bois ou en pierre, est, en effet, considéré comme une concrétion du Rêve sa surface est sillonnée d’empreintes exprimant de manière elliptique le mouvement du Rêve qui l’a généré et dont il représente lui-même la trace. Il est une parcelle de paysage porteuse des conditions de sa propre apparition et, en définitive, le seul référent auquel l’objet renvoie est lui-même, ce qui l’institue en objet autoréférentiel. Et c’est en vertu de ce statut qu’il est possible d’assigner au churinga un rôle de signifiant particulier lui permettant, sur les terrains cérémoniels où il est mis en scène, de présentifier la manifestation de l’instance à laquelle est attribuée l’efficacité rituelle, à savoir la transformation des novices en initiés ou la reconduction de la fertilité des différentes espèces. Sa matérialité énigmatique l’autorise à maintenir l’invisibilité de la transcendance qu’il prétend montrer et dont l’efficience se fonde précisément sur l’impossibilité de la voir. Si je qualifie la matérialité du churinga de paradoxale, c’est qu’elle montre autant qu’elle masque la représentation de la transcendance que l’objet est censé évoquer. 3Il est strictement interdit aux femmes et aux enfants de voir et a fortiori de manipuler des churinga. Les hommes adultes affiliés à un centre cultuel donné sont, en effet, les seuls à pouvoir utiliser, dans les rites dont ils ont la charge exclusive, les churinga associés à ce centre, de même qu’ils sont seuls à connaître la signification des signes apposés à la surface de ces objets. Toutefois, pour accéder à ce privilège, il leur faut subir de nombreuses épreuves au cours des étapes qui jalonnent la longue trajectoire initiatique masculine. 4Les initiés masculins attribuent à chaque enfant un churinga qui est le pendant, dans le domaine sensible, de l’esprit qu’il incarne. En effet, esprit et churinga sont tous deux associés à la singularité de l’identité personnelle et ils sont censés entretenir un lien intime spécifique rendant compte de l’étymologie du terme servant à désigner cet objet sacré paradigmatique. Tju qualifie quelque chose de secret ou de honteux, et runga signifie sien propre ». Or, en milieu aborigène, révéler la part secrète de soi est censé générer un sentiment de honte Myers, 1979. Si l’objet est tjurunga, c’est qu’en présentifiant, au travers de sa matérialité à la fois tangible et singulière, ce qui est invisible, en l’occurrence l’esprit, il expose la part la plus fragile et la plus intime de la personne à laquelle il est associé. Il est donc logique qu’il soit considéré comme l’objet le plus sacré et que son exhibition au cours des rites constitue une transgression fondamentale requérant, par là même, des procédures d’exception que les initiés masculins sont seuls habilités à mettre en œuvre. De fait, en toute autre circonstance, un tel objet doit demeurer parfaitement caché non seulement les inscriptions dont il est porteur participent à la dissimulation du sens qu’il est censé receler, mais il est à l’ordinaire revêtu d’un épais harnachement de ficelles de cheveux et dissimulé dans un endroit creux du paysage dont les environs sont strictement interdits aux non-initiés sous peine de mort. On comprendra donc que la cérémonie au cours de laquelle un homme est convié à rencontrer son churinga personnel soit l’étape ultime de son initiation et qu’elle soit décrite, en raison de l’intensité des émotions qu’elle suscite chez lui, comme étant de loin la plus impressionnante des phases initiatiques. 5Parmi les opérations pratiquées à cette occasion, la plus importante consiste à graver sur son front les inscriptions recouvrant la surface de son churinga personnel. Il est alors autorisé à voir et à toucher pour la première fois son churinga, et on lui révèle que l’esprit qu’il incarne a émané de cet objet. La nature sèche et solide et, par là, imputrescible du churinga le dote d’une permanence qualifiée d’éternelle à l’instar des autres éléments du paysage, alors que celle de l’initié est vouée, à terme, à une dissolution d’autant plus complète que tous les autres biens matériels associés à sa personne seront, à sa mort, entièrement détruits par le feu. Au moment de sa rencontre avec son churinga, l’initié voit donc simultanément la chose à partir de laquelle il est censé avoir émergé et ce qui subsistera de lui en tant que support unique de l’identité qu’il aura physiquement, mais seulement temporairement, incarnée. Lorsque le churinga et son propriétaire sont mis en présence, l’objet renvoie donc à la composante inaltérable qui sous-tend l’identité de l’initié, tandis que le corps de celui-ci renvoie, lui, à sa composante périssable et transitoire. 6L’esprit qui rattache le corps de tout individu à son churinga est censé disparaître quelque temps après l’exécution de la cérémonie clôturant la période de deuil prescrite aux proches du défunt dont la durée correspond au délai nécessaire à la dissolution des chairs. L’abandon du corps par l’esprit qui l’animait et qu’il incarnait – leur disjonction définitive – le transforme en une chose quittée », c’est-à-dire en une entité purement physique qui ne fait que se représenter elle-même dans la mesure où elle ne reflète plus la subjectivité du défunt. Le cadavre est, dans cette optique et à l’instar du churinga, un objet autoréférentiel mais, à la différence de ce dernier, chez les Aranda qui n’ont aucune propension au culte des restes humains, sa vocation ultime est de se dissoudre dans le paysage, les traces de son inhumation étant elles-mêmes, à terme, vouées à l’oubli. La remémoration cérémonielle des morts consiste, pour les initiés masculins, à examiner et à prendre soin des churinga des défunts suscitant chez eux les émotions les plus vives. 7En Occident, les restes humains ont récemment acquis une sacralité qu’ils n’avaient pas par le passé. Parallèlement, on leur fait subir, de plus en plus souvent, un traitement particulier dont a la charge un groupe restreint d’officiants, médicaux ou paramédicaux, ayant pour cela suivi une initiation spécifique les mettant directement en contact avec des cadavres. Les profanes que sont les proches des défunts tendent, en effet, à être mis à l’écart des procédures les plus violentes appliquées aux cadavres pour les apprêter de sorte à les leur rendre plus tolérables ils en sont les destinataires mais non les exécutants ni même, en général, les témoins. De fait, la matière cadavérique, nous y reviendrons, a des propriétés répulsives puissantes que l’on cherche ici à canaliser, son maniement étant relégué dans des enceintes interdites au public dans des institutions médico-légales et/ou des établissements funéraires. Dans le même ordre d’idées, on remarquera que le recours de plus en plus banalisé à l’incinération, à la thanatopraxie, voire à la plastinisation infra, incline à conférer un aspect imputrescible au cadavre, sinon analogue du moins comparable à la nature incorruptible des churinga. 8On relèvera, par ailleurs, que la présence lourde de la matérialité du churinga sous-tendue par son autoréférentialité peut être rapprochée de l’expérience universelle du non-être » de la dépouille atrocement matérielle », parce que laissée vacante, du défunt. Et c’est cette vacuité qui se montre, paradoxalement, d’une efficacité redoutable pour présentifier l’invisible l’absence du mort, son esprit, des forces surnaturelles. L’autoréférentialité, qu’elle soit artefactuelle ou naturelle, transforme ainsi des choses inertes, churinga ou cadavre, en agents inducteurs de violentes émotions. Chez les Aranda, le rôle des churinga vise à les susciter chez les officiants du culte qui leur est rendu. Dans les sociétés occidentales contemporaines, le traitement appliqué à la dépouille mortelle par les professionnels chez qui il persiste à provoquer les sensations les plus fortes, vise, semble-t-il, à en atténuer les effets émotionnels chez les proches. 9Dans les pages qui suivent, je vais établir un rapprochement entre certains aspects de cet objet cultuel exemplaire qu’est le churinga, qui rendent compte du rôle qu’on lui fait jouer dans les rites aranda, et certaines qualités intrinsèques au cadavre qui, selon moi, permettent aujourd’hui de lui faire jouer un rôle différent, mais tout aussi fondamental quoique passant souvent inaperçu, dans les sociétés occidentales contemporaines. En effet, en dépit de ce qui les oppose, artefact incorruptible, pour l’un, objet naturel putrescible, pour l’autre, il s’agit, dans les deux contextes culturels respectivement considérés, d’entités qui s’imposent comme des objets cultuels investis d’une sacralité en raison de leur aptitude à générer des émotions intenses, de leur matérialité autoréférentielle, et de leur prise en charge par un groupe restreint d’officiants légitimés à le faire en raison d’une initiation spécifique imposant la confrontation directe avec ces objets. 10Il est important de préciser qu’il ne s’agit pas ici de prôner une analogie entre ces deux types d’objets mais de mettre en relation, à des fins comparatives, les caractéristiques, communes et distinctives, de leur matérialité et de leurs rôles socioculturels respectifs pour mieux mettre en lumière le rôle d’objet cultuel exemplaire du cadavre dans les sociétés occidentales contemporaines. Pour ce faire, il convient d’examiner avec la plus grande attention la nature spécifique de la matérialité du corps mort et son aptitude à générer des émotions d’une singulière violence. De l’art d’évoquer l’effroi 11Le cadavre semble avoir une aptitude naturelle à provoquer des sensations difficilement contrôlables L’individu le plus aguerri aux cadavres n’est pas inaccessible à la peur. C’est un phénomène imprévisible auquel tout le monde est sujet », nous confia le [...] médecin-chef de la Morgue, habitué aux quotidiennes autopsies d’organismes en décomposition et aux pourritures des tombeaux. Une fois, dit-il, [...] devant le corps presque nu d’une femme assassinée, étendue sur le parquet de sa chambre, j’éprouvai une peur atroce, et sans que rien ne m’en fît découvrir la plus petite cause. Je fuis en claquant des dents et je ne serais jamais revenu auprès de cette morte avant d’être accompagné par plusieurs personnes » Ganche, 2012 [1909] 10-11. 12Cette capacité du cadavre de susciter une expérience émotionnelle d’une exceptionnelle intensité le rapproche de certains artefacts qualifiés de sacrés, plus exotiques Derlon, Jeudy-Ballini, 2010. Mais n’étant, lui, pas un artefact, il doit être considéré comme le prototype même de tels objets cultuels. Il partage, en effet, avec eux la disposition paradoxale d’exercer une force sur les vivants alors qu’il est inerte. Les citations que j’ai mises en exergue expriment remarquablement bien cette altérité foncière et paradoxale que revêt la dépouille d’un proche. Toutefois, le recours à l’hyperbole et/ou à l’amplification dont use la dramaturgie de la littérature horrifique, en évoquant plus directement les sensations physiques ressenties, est plus adéquat pour traduire la terreur provoquée par le spectacle de la matérialité abominable du cadavre. Qu’on en juge Et celle qui, partout accompagne la Mort [...], la Peur, résidait là [la morgue] dans son royaume. Elle détraquait les cerveaux des vivants, et pour eux savait animer les faces des morts, les agiter dans leur suaire, les mettre debout [...]. Elle agrippait aux épaules les hommes [...] leur soufflait dans la nuque ses frissonnantes terreurs, gelait leurs moelles, les secouait [...]. Les pauvres corps inanimés, enveloppes évacuées par la vie, [...] ne gardaient plus qu’un pouvoir, celui d’horrifier les vivants ou de les mettre en fuite, par leur hideur ou leur pestilence Ganche, ibid. 81-82. 13La sensation violente et captatrice, plutôt que la distanciation esthétique ou scientifique est, de fait, selon Georges Bataille, la voie privilégiée pour accéder à la connaissance directe, quasi organique Brazzini, 2010 57 de l’irréductible “hétérogène” du réel » Stronge, 2006 116. Et ce réel renvoie, pour lui, au numineux que Rudolf Otto auquel il se réfère désigne comme l’effrayant, le terrible, le hideux, et parfois même le répugnant » 1995 [1917] 99, ce qui nous est étranger et nous déconcerte, ce qui est absolument en dehors des choses habituelles, comprises, bien connues et partant “familières” » ibid. 46. Pour Bataille, comme pour Otto, ce tout autre » est le sacré Bataille, 1930 397. Selon moi, ces vocables s’appliquent aussi parfaitement au cadavre et aux sensations physiques qu’il produit. Et il n’est certes pas fortuit que Bataille, pour évoquer le sacré, fasse souvent appel au cadavre, dans son œuvre littéraire comme dans ses écrits théoriques. Mais dans ce dernier cas, c’est pour souligner l’inadéquation de la méthode scientifique en ce domaine parce qu’elle procède par abstraction et séparation » et que le sacré est l’exact opposé de tout objet abstrait ». Pour l’illustrer, il fait appel à l’image du corps d’un enfant sur une table de dissection en opposant les positions du scientifique, pour qui c’est un objet anatomique offert à l’observation savante », et de la mère, pour qui ce qui est en cause est la totalité de l’être » Bataille, 1988 [1951] 49, cité par Paul Stronge, ibid. 119 qui entre dans la méta-catégorie hétérogène du sacré ». Celle-ci n’est pas principalement déterminée du dehors [...], mais de façon générale du dedans et du dehors, quand il s’agit de réactions que nous-mêmes vivons » Bataille, 1988 [1946] 60, cité par Stronge, ibid. 117. On passe alors des catégories séparées du monde homogène et objectif de la science à l’aspect inassimilable et subversif du sacré de l’expérience vécue cf. Stronge, ibid. 130-131. 14Pour restituer l’expérience vécue par la mère, il faut donc adopter une démarche strictement inverse à celle consistant à procéder par distanciation, séparation et abstraction. On est alors à même de reconnaître que ces sensations sont à la fois déterminées du dehors, via la perception de la dépouille atrocement matérielle, et du dedans, via les émotions éveillées par la réalité incorporée de la relation intime et affective à la personne qui incarnait ce cadavre et dont le proche recèle en son for intérieur la part subjective qui s’en est échappée. Le poids de la corporéité en excès du cadavre révèle au public une intimité que la présence de la subjectivité du sujet vivant qui l’animait masquait avant sa mort. De l’inquiétante étrangeté du cadavre 15L’appropriation des corps par la médecine prend son élan au moment de la naissance concomitante, à la Renaissance, de l’anatomie et de la dissection Mandressi, 2003, 2013, c’est-à-dire de la chosification du cadavre à des fins profanes qui rendra possible son exposition ultérieure dans les musées. L’un des derniers avatars de ce type de réification de la dépouille mortelle renvoie aux installations esthétisantes de Von Hagen les écorchés sont aseptisés grâce au recours à la technique de plastination permettant de les dégraisser et de les rendre inodores et, par là, inoffensifs, l’odeur étant l’inducteur majeur du dégoût inspiré par les cadavres Walter, 2004a & b ; Candau, 2012 ; Bertrand, 2012. En conséquence, ils tendent, comme le remarquent certains visiteurs, à se révéler pour ce qu’ils sont vraiment des coquilles dépourvues d’âme, des lieux » autrefois habités, aujourd’hui abandonnés Walter, 2004b 476. Mais lorsque cette enveloppe impassible est pourvue d’un visage et est celle d’un proche, il en va tout autrement. Il en émane alors un effet d’ inquiétante étrangeté », formule forgée par Marie Bonaparte pour transcrire l’intraduisible expression freudienne das Unheimliche Stirn, 2014, renvoyant à l’angoisse étreignant un sujet lorsque l’intime surgit comme étranger, inconnu, autre absolu, au point d’en être effrayant. [...] Quelque chose alors dépasse le sujet, quelque chose qui vient d’ailleurs, d’un Autre qui impose son obscure volonté » Menès, 2004 21. 16Pour Freud, ce qui se rattache à la mort, aux cadavres et au retour des morts, aux esprits et aux fantômes » suscite à l’extrême, et de façon privilégiée, ce type d’expérience 1976 [1919 26]. De fait, le poids de la corporéité de celui qui est passé de vie à trépas a la capacité de métamorphoser l’intime familier en altérité radicale, en présentifiant avec une singulière acuité la disparition du défunt dont le souvenir internalisé peut alors venir hanter les survivants. Le spectre est la rémanence de l’image du corps animé restant imprimée dans le for intérieur des proches ou telle qu’elle peut être fantasmée par d’autres également confrontés à l’inanité de la matière cadavérique. Cette image désincarnée mais animée est, et c’est un paradoxe existentiel, ontologique, produite par le surgissement d’une entité incarnée mais inanimée dont la redondance de corporéité – son référent est la matière elle-même et uniquement elle – convoque une présence énigmatique l’inquiétante étrangeté. En une telle occasion, l’angoisse qui s’empare de nous fait rupture dans le vécu ordinaire et elle nous fait lâcher prise. Et c’est alors, comme l’énonce Bataille, que nous nous perdons, nous oublions nous-mêmes et communiquons avec un au-delà insaisissable » 2008 [1954] 2. Et, pour cet auteur, cet au-delà insaisissable, indicible, c’est l’expérience du sacré » Brazzini, 2010 69. 17La désertion de l’esprit » du défunt confère à son corps un poids matériel singulièrement lourd. Ce surcroît de corporéité va de pair avec l’aptitude exacerbée et paradoxale de la dépouille à évoquer la vacuité et, ce faisant, à convoquer la présence de l’absent en générant ce que Derlon et Jeudy-Ballini, se référant à des artefacts mélanésiens décrivent fort bien une expérience intrusive, déstabilisante, vécue sur le mode de l’emprise », c’est-à-dire un tel assujettissement de la personne qu’elle s’assimile parfois à une agression » 2010 78-79. Dès lors, l’opérateur d’efficacité » de ces objets-là, c’est-à-dire leur capacité à provoquer le saisissement des spectateurs et, par là, à présentifier des instances surnaturelles », se fonde sur la qualité esthétique distinctive qu’on leur reconnaît ibid.. En ce qui concerne le cadavre, on peut postuler que c’est son aspect hideux exemplaire qui génère une semblable expérience tout aussi intense. Dans les deux cas, l’inquiétante étrangeté se dégageant de ces choses » procède de la matérialité qui leur est propre c’est elle qui, en leur permettant d’incarner une présence énigmatique, les rend aptes à la fois à évoquer et à convoquer les forces invisibles qu’elles sont censées manifester. Les soubassements physiologiques de l’effroi 18Les artefacts mélanésiens évoqués par Derlon et Jeudy-Ballini, lorsqu’ils sont exhibés, provoquent parfois des réactions affectives d’une telle ampleur qu’elles sont ressenties comme ayant la potentialité de menacer l’autonomie mentale de certains spectateurs. Si elles sont assimilées à une agression c’est que, dans cette aire culturelle, ce qui affecte les sens – la vue, l’ouïe, l’odorat – agit sur le corps » ibid., Jeudy-Ballini, 1999, 2004. On voit donc que les objets cultuels produisent des effets patents, physiques et psychiques, que l’on peut rapprocher de ceux suscités par la dépouille en voie de décomposition d’un familier ou d’un semblable. Avant de me pencher sur la nature des propriétés sensibles de ces actants » Latour, 2006 qui conditionne, sans nul doute, de telles réactions, je vais d’abord chercher à cerner les soubassements physiologiques de ces dernières. Photo 1. Ce qui lui ressemble encore © Marika Moisseeff 19De mon point de vue, toute expérience émotionnelle est induite par des sensations physiques que je qualifierais de cénesthésiques et qu’il convient de distinguer des perceptions. Les premières correspondent à des ressentis corporels suscités par la stimulation de récepteurs situés dans les organes internes dont le fonctionnement dépend, non de la motricité volontaire régie par le système nerveux somatique, mais du système nerveux dit autonome ou neuro-végétatif, ou encore neuro-viscéral. Celui-ci régit les fonctions vitales de l’organisme respiration, circulation, sécrétions glandulaires, digestion, thermorégulation en en assurant l’homéostasie interne et son contrôle est, en principe, indépendant de la volonté. Pour aller à l’essentiel, je dirais que, lors d’un stress ou d’une attaque de panique, ce que j’appelle sensations cénesthésiques renvoie aux phénomènes physiologiques suivants contraction ou relâchement des intestins ou de la vessie, nausées et/ou vomissements, étourdissement, bourdonnements d’oreille, augmentation ou diminution des fréquences cardiaque et respiratoire, de la chaleur, hypersudation. Lors de situations moins extrêmes, ces réactions viscérales, bien rendues en anglais par l’expression gut feeling, paraissant venir des profondeurs de l’être » Larousse en ligne parce qu’elles sont indépendantes de la volonté et, en apparence, irraisonnées, sont associées à l’intuition. Selon moi, elles correspondent aux excitations endosomatiques » rattachées à la pulsion freudienne Laplanche et Pontalis, 1981 [1967] 411, et sont à la base de la qualité de l’affect ressenti lors d’une situation donnée et, donc, de l’interprétation comme de la mémorisation de celle-ci. Les perceptions sont quant à elles, avant que d’être intériorisées, suscitées par des stimuli externes affectant nos organes des sens et c’est pourquoi la neurophysiologie les range dans la catégorie de l’extéroception. Les perceptions peuvent, bien entendu, engendrer des sensations cénesthésiques de plus ou moins grande intensité. Les unes et les autres ne recouvrent peut-être pas strictement les déterminants internes – du dedans – et externes – du dehors – sous-tendant l’hétérogénéité du vécu que Bataille associe à l’expérience du sacré. Les sensations cénesthésiques rendent néanmoins bien compte de l’aspect essentiel de sa composante organique, si chère à cet auteur qui accordait précisément le primat à la sensation pour accéder à la connaissance. Elles ont, de fait, l’avantage de se démarquer radicalement des catégories homogènes que sont les représentations formelles auxquelles les sciences sociales tendent à se cantonner et qui sont, selon Bataille, tout à fait inadéquates pour exprimer ce qu’il en est de l’expérience religieuse », ce pourquoi il les fustigeait. Photo 2. Ce qui ne lui ressemble plus © Marika Moisseeff 1 Je suis redevable à Maurice Bloch de m’avoir fourni les références des travaux de Rozin. 2 Comme le relève l’un de mes évaluateurs anonymes, la réglementation funéraire et les modalités [a ... 20Il est donc, de ce point de vue, pertinent de remarquer que la confrontation avec un cadavre provoque de manière quasi systématique des réactions viscérales dont l’un des ressorts majeurs serait le dégoût Rozin et al., 2008 7611. Les deux déclencheurs essentiels de la répulsion sont, d’une part, la vision, d’autre part, l’odeur fétide, souvent qualifiée de méphitique. Cette odeur coïncide, bien évidemment, avec la décomposition du corps elle donne consistance, en l’extériorisant, au processus interne sous-jacent mais, tout en le rendant perceptible, elle reste elle-même invisible. Les conditions sont donc remplies pour qu’elle soit éprouvée comme le facteur subtil de contiguïté entre le mort et le vivant, d’autant plus qu’elle contribue grandement aux effets bien réels, parce que physiquement ressentis, du premier sur le second, devenant en quelque sorte le véhicule de la contamination de l’un par l’autre. Le défunt est ainsi l’agent qui simultanément subit des effets organiques et en impose, faisant ingérence dans l’autre par la contagion opérée par sa transmutation. Aux effluves très palpables, quoiqu’invisibles, s’exhalant de la putréfaction charnelle, correspondent, en effet, pour celui qui en est le récepteur, les réactions très concrètes émanant de ses propres entrailles qu’il va pouvoir mettre au compte de l’objet inerte qui lui fait face2. On comprendra donc que ces réactions puissent être aisément mises au compte du pouvoir d’influence et d’action de la dépouille auquel il sera tout aussi facile d’attribuer une intention ; une intention qui viendra recouvrir l’assourdissant silence de ce corps ostensiblement muet. Le cadavre ainsi transformé en agent défie les distinctions conventionnelles entre sujets et objets, personnes et choses » Krmpotich et al., 2010 380. 21Les sensations cénesthésiques que les ethnologues tendent très largement à négliger doivent, selon moi, être mises en rapport avec la puissance conférée au cadavre et, par là, à d’autres objets cultuels dont la plastique, résultat ou non d’un procédé spécifique de fabrication, et/ou le mode de manipulation permettraient d’engendrer des sensations similaires. Elles participeraient au brouillage des frontières entre objet et sujet, en effaçant la possibilité d’accoler ces entités à un référent stable, univoque et ordinaire. C’est pourquoi la question cruciale préalable qu’il faut, me semble-t-il, poser pour retrouver les principes de l’efficience de ces choses matérielles – cadavre et objets – n’est pas, et là je détourne à mon profit la formule de Krmpotich et al. concernant les ossements 2010 373, que font les gens avec le cadavre ? », mais plutôt qu’est-ce que fait le cadavre aux gens ? ». Car, comme nous l’avons vu, le cadavre a effectivement la capacité de faire des choses aux vivants, c’est-à-dire qu’il est possible de lui attribuer une agentivité en dépit du fait qu’il est a priori dépourvu d’animation. Et, sans nul doute, cette qualité d’agent a quelque chose à voir avec ses propriétés sensibles, c’est-à-dire avec ce qui émane de sa matérialité spécifique. Un macchabée qui nous f’ra dégueuler » 22L’expressivité d’une personne, des traits de son visage à ses paroles, permet de lui attribuer une subjectivité. Cette expressivité, au moment du trépas, se fige. Le corps devient pure matière vouée, si on laisse libre court à son sort inéluctable, à la corruption. Il se transmue alors en un objet encombrant et importun car ce qu’il exsude gêne infiniment les sens. Pour preuve, l’extrait d’entretien avec le réalisateur Alain Jaubert sur ses repérages à l’Institut médico-légal de Paris Et la première sensation réelle, c’est l’odeur. [...] ça perturbe énormément, les odeurs de cadavre [...] J’ai senti d’abord cette odeur [...] qui est très très forte. C’est une odeur de viande en décomposition. [...] Il y a une violence [...] très forte. Par exemple, plusieurs jours après, je ne pouvais pas manger de viande, l’odeur de viande me rappelait cette odeur. [...]. La seconde sensation a été sur la couleur. Ça m’a beaucoup frappé [...]. [Les morts ont] des couleurs [...] assez violentes Hennig, 2007 [1979] 135-137. 3 Un exemple emblématique en est The Body Snatcher de Stevenson 1998 [1884]. 23Face à ces dépouilles dont l’expressivité est réduite à la pestilence et à la modification de l’aspect des chairs, s’il est un corps de métier, en Occident, dont les membres ont la réputation d’être naturellement à l’aise, c’est bien la médecine. Du point de vue des profanes, ces professionnels, et notamment les anatomopathologistes et les légistes, sont censés conserver leur sang-froid en toutes circonstances. Vu sous cet angle, la manipulation du cadavre est un acte essentiellement technique se confinant à une pratique distancée et sans état d’âme Moisseeff, 2013a. Et, il faut bien dire que le folklore carabin, tout comme les séries télévisées ou les romans policiers abordant le sujet, tendent à renforcer ce stéréotype. Pourtant, la frayeur éprouvée par les médecins est un motif que l’on trouve dans les récits recueillis auprès de spécialistes en exercice cf. supra ou la littérature britannique du xixe siècle3. En outre, si des recherches récentes montrent que la pratique de la dissection tend effectivement à diminuer, chez les étudiants en médecine, le malaise ressenti en touchant un corps mort déjà refroidi, elles soulignent aussi qu’elle n’atténue en rien leur répulsion à toucher le corps encore chaud d’un défunt Rozin, 2008a. Quoi qu’il en soit, toutes les études convergent pour affirmer que l’impassibilité apparente, s’accompagnant très souvent du maniement d’un humour particulier à caractère défensif, de professionnels patentés est le résultat d’un apprentissage que les impétrants affrontent avec crainte Segal, 1988 ; Godeau, 1993, 2007. Photo 3. Une dissection © Collection privée 24Pour donner encore plus de consistance à ce qu’il en est des sensations cénesthésiques ressenties en regard des propriétés sensibles des corps de personnes récemment décédées, je citerai ici les propos recueillis auprès d’une interne ayant pratiqué des dissections dans un service d’anatomie pathologique Ce qu’on craint, c’est de s’infecter [...]. on se protège quand même le nez pour pas respirer trop de cochonneries, parce qu’en plus, ça sent très mauvais [...]. L’odeur est tellement forte, [...] [elle] s’imprégnait sur mes mains, si bien que quand je portais ma fourchette à la bouche, je ne pouvais plus du tout manger. [...] j’ai pas mangé de viande pendant six mois [...] c’était trop pénible. [...]. C’est jaune verdâtre. C’est pas une belle couleur, dès que vous êtes chez un cadavre, tout devient horrible rires. [...] c’est tellement dégoûtant qu’on n’a pas tellement envie de rigoler. On rigole comme ça, on rigole parce qu’on a tellement peur qu’on se défend comme on peut... C’est quand même assez dégoûtant. C’est de la viande qui pourrit. Après, on s’habitue davantage. Mais quand même, chaque fois que le cadavre arrive [...], il se passe quelque chose. – Même six mois après ? – À chaque fois. [...], j’appréhendais [...]. J’avais peur. Enfin, je savais bien que la personne n’allait pas se mettre debout, mais qu’est-ce que j’allais voir ? [...] une fois qu’on a tout pris, tout découpé, on remet tout dedans en morceaux. C’est horrible. Horrible, horrible, horrible. On est tellement mécontent et agressif, parce qu’on en a ras le bol, qu’on jette tout avec vraiment beaucoup de méchanceté dans ce cadavre avec plaisir, [...] et après, on jette nos gants dedans rires de rage, [...] On dit, il l’emportera pas au paradis ... [...] ce qui m’a frappée, [...] c’est le mélange des couleurs. Des couleurs compliquées, [...] c’est pas des couleurs pures. [...] Hennig, 463-481. 25Ces paroles entrent en résonance avec ce que nous dit Miller quant à la spécificité du dégoût The idiom of disgust consistently invokes the sensory experience of what it feels to be put in danger by the disgusting, of what it feels like to be close to it, or touch it. Disgust uses images of sensation or suggests the sensory merely by describing the disgusting thing so as to capture what makes it disgusting. Images of sense are indispensable to the task. We thus talk of how our senses are offended, of stenches that make us retch, of tactile sensations of slime, ooze, and wriggly, slithering, creepy things that make us cringe and recoil. [...] no other emotion forces such concrete sensual descriptions of its object 1997 9, cité in Pachirat, 2011 286. 26On notera, à ce sujet, l’analogie des propos, concernant la prégnance des odeurs et des couleurs, tenus par le profane cité auparavant et par l’initiée. On relèvera, par ailleurs, la structure paradoxale de l’énonciation de cette professionnelle. Elle met, en effet, en évidence à la fois la réification, par le biais du ça » – ça pue, c’est horrible –, et son échec lorsque revient la personne » qui pourrait se relever et que l’on finit par punir avec plaisir » et beaucoup de méchanceté » pour avoir infligé tant de souffrance et d’angoisse dont le praticien insiste sur la persévérance en dépit de l’expérience acquise. La personne morte continue donc à agir mais d’une tout autre manière que celle qui est habituelle à un être humain ce n’est pas l’être parlant qui s’exprime mais une matière crue – une viande » – en train de se liquéfier dont l’expressivité uniquement sensorielle ne peut avoir pour seules réponses, du côté de son destinataire, que d’âpres sensations. Son miasme imprègne celui qui la manipule et en s’exhalant, tel un spectre invisible s’insinuant dans son corps par la bouche, altère son sens du goût au point de modifier durablement ses habitudes alimentaires. Tout se passe comme si le cadavre mortifiait littéralement son bourreau tandis que celui-ci lui insuffle la vie, n’ayant alors d’autre recours, pour tenter de s’en débarrasser, que de le tuer symboliquement une deuxième fois avec les instruments qui les ont mis en contiguïté physique, les gants et vlan, il l’emportera pas au paradis ». Pas de doute donc, le cadavre est un agent qui opère par contagion et, à l’acuité de son expressivité organique, répondent les termes acerbes qui lui sont adressés il agresse et est agressé en retour. Ce dont témoigne magistralement la fameuse chanson de salle de garde que nul médecin n’est censé méconnaître et dont je ne retiendrai ici que le contenu sémantique d’une de ses variantes Dans un amphithéâtreY’avait un macchabéeQui sentait fort des piedsCe macchabée disaitCe macchabée gueulait Ah ! c’qu’on s’emmerde ici »On va le disséquerAvec un spéculumOn en f’ra du pâtéQui nous f’ra dégueuler 27Au travers de l’euphémisme de la puanteur des pieds, c’est, d’une part, la prégnance de la pestilence qui est ici encore soulignée en premier et, d’autre part, le fait que si les premiers patients sur lesquels sont conduits à s’exercer les étudiants en médecine arrivent les pieds devant, leur pouvoir sensoriel leur confère, néanmoins, l’aptitude à se relever d’entre les morts pour aller les tourmenter. Et c’est bien, alors, leur aptitude à susciter une répulsion grandissante qui permet de leur concéder une parole qui va s’amplifiant le macchabée dit, puis il gueule à l’unisson de l’intensité croissante des sensations qu’il fait ressentir. Ainsi, par la grâce opérée par l’humour, le martyre subi par le macchabée se mue en martyre de ses tortionnaires. 4 Les travailleurs du funéraire restent révulsés tout au long de leur carrière par l’aspect des cadav ... 28La figuration d’un cadavre qui s’emmerde » évoque plus sûrement, pour ceux qui sont à même d’en saisir intuitivement le sens, le fait que c’est la liquéfaction de ses matières, entre autres fécales, qui emmerde4 ». Et si on menace de le disséquer avec un spéculum, et non avec le scalpel utilisé dans les faits, c’est que l’hyperbole exprime beaucoup mieux la fonction transgressive assumée par les médecins consistant à violer l’intimité des corps, vivants et morts. Le spéculum sert, en effet, à regarder à l’intérieur du sexe de la femme, à jeter un œil sur cette origine du monde si énigmatique d’où jaillit la vie. Mais pour avoir le droit d’accéder à ce secret, il faut d’abord ingérer » métaphoriquement du cadavre, c’est-à-dire dépasser la réticence naturelle à aller fouailler dans les entrailles. De fait, la mortification du macchabée le dote de la faculté redoutable de faire dégueuler les novices qui ont charge de le transformer en pâté », cette bouillie si peu ragoûtante à laquelle aboutit la dissection. Or une telle éventualité, si elle se réalisait, pourrait faire douter de la capacité à devenir médecin » Godeau, 1993 85. Ainsi, quoique toujours envisagée, elle reste difficilement avouable sinon sous couvert d’un hymne dont la tonalité joyeuse et rigolote masque aux profanes la vérité de l’expérience vécue. 29Envisagé sous cet angle, le cadavre apparaît comme l’objet fondamental utilisé dans le rite inaugural de la trajectoire initiatique que doivent emprunter ceux qui se destinent à assumer ce que l’ethnologue pourrait avoir intérêt à reconnaître comme la sacralité de la fonction médicale Moisseeff, 2013b. Le corps, matière et instrument des rites médicaux 5 Segal ibid. et Godeau ibid. 92 ont tout deux observé l’assimilation établie par les apprentis ... 30La référence précédente au spéculum en lieu et place du scalpel exprime on ne peut mieux le caractère obscène d’une pratique dont la chanson est un condensé elle consiste effectivement à traiter le corps d’un défunt comme un morceau de viande au point que les employés du laboratoire d’anatomie et de la morgue sont parfois appelés “les garçons bouchers” » Godeau, 1993 89. Mais si cette chanson est emblématique de la profession médicale, c’est que ses officiants ont, de façon beaucoup plus générale, la tâche sacrilège de faire intrusion dans l’intimité de leurs patients. Ils leur demandent tout de go de se déshabiller afin d’accéder directement à leur corps qu’ils sont légalement habilités à regarder dans toute sa nudité, à allonger, à toucher et palper, à investiguer dans ses moindres recoins en pénétrant, par exemple, ses orifices, ou en lui infligeant parfois des traitements douloureux. Et lorsqu’ils souhaitent avoir un accès encore plus libre à ce corps, ils l’anesthésient et l’ouvrent pour voir et manipuler ce qui est à l’intérieur. Et pour pouvoir maîtriser ce corps qui est la pièce maîtresse des actes médicaux Moulin, 2006, il faut l’appréhender comme une chose, en faisant abstraction de la subjectivité dont elle est dotée. L’objectivité du praticien est au prix de la désubjectivation de la matière sur laquelle il opère Segal, 1988. C’est pourquoi la dissection et l’autopsie des cadavres constituent, après la réussite du concours d’entrée en médecine, les étapes successives préliminaires à l’apprentissage clinique proprement dit. Et lorsque j’ai fait mes études de médecine, nous étions ensuite amenés, au cours de notre première année d’externat, à effectuer des stages de chirurgie. À n’en pas douter, donc, l’apprentissage médical est centré, non seulement sur le corps mais, surtout, sur l’acquisition de la capacité à contrôler ses émotions face à une matière qui n’est jamais indifférente, et ce d’autant moins, paradoxalement, qu’elle est immobile. Les corps figés, par la mort ou l’anesthésie5, deviennent des objets ambigus dont émane une force telle qu’elle est, comme le dit Agnès Pataux des fétiches africains, incitatrice à éviter les faux-pas » 2010 13. Artefact rituel et objet charnel imposent donc du fait de leur matérialité propre une même focalisation de l’attention on ne peut les manipuler qu’avec les plus grandes précautions. Mais l’opérateur d’efficacité du corps repose plus particulièrement sur ce qui en est la condition le dévoilement transgressif de l’intime qui atteint son point ultime lorsqu’il aboutit à la dénudation des chairs telle qu’elle est réalisée par les actes chirurgicaux et surtout l’autopsie ou la dissection. 31Ce surgissement de l’excès de présence incarnée se produit, pour les profanes, au moment du trépas mais aussi de la naissance et il les terrifie Devant le nouveau-né, comme devant le mort, la même panique saisit, le même affolement, on ne sait que faire et on a peur » Verdier, 1979 103. L’épouvante doit selon moi être rattachée aux sensations cénesthésiques particulièrement violentes suscitées par la réduction du corps à la crudité des matières qui le composent. Ainsi, lors de l’accouchement, le jaillissement du corps du bébé, en soi déjà très saisissant, s’accompagne, en effet, de l’expulsion du placenta et d’autres substances olfactivement offensives telles que sang, fèces et liquide amniotique. La parturition expose, en outre, le sexe de la mère renforçant ainsi l’indécence de la révélation de l’intime organique pour ceux qui en sont témoins. L’exhibitionnisme auquel est réduit le défunt est, quant à lui, remarquablement décrit par Milan Kundera Voici encore un instant on était un être humain protégé par la pudeur, par le sacré de la nudité et de l’intimité, et il suffit que vienne la seconde de la mort pour que notre corps soit soudain à la disposition de n’importe qui, pour qu’on puisse le dénuder, l’éventrer, scruter ses entrailles, se boucher le nez devant sa puanteur 1987 [1978] 278. 32La naissance et la mort imposent donc une relation immédiate et directe avec l’irréductible hétérogène du réel organique, facteur d’angoisse irrépressible à l’origine, selon Bataille, de l’expérience du sacré. De fait, l’irruption de l’inquiétante étrangeté liée à la transformation du familier en tout autre, et plus précisément en cette chose répugnante parce que réduite à un objet purement charnel, plonge les proches, comme le rappelle Yvonne Verdier, dans le désarroi. Ce qui les impressionne, au sens fort, c’est l’intuition de franchir sans le vouloir un interdit fondamental, celui d’accéder à ce qui devrait rester à tout jamais caché et qui cependant, en ces occasions singulières, s’offre sans défense possible à l’acuité de leurs sens. D’où la nécessité ressentie, dans nombre de sociétés, de recourir à un tiers pour médiatiser la relation des proches avec le nouveau-né ou le défunt. À une époque où l’on naissait et mourait la plupart du temps à domicile, ce tiers était souvent une femme à qui revenait la tâche de faire » les bébés et les morts ; une tâche consistant, pour l’essentiel, à les nettoyer, que l’ethnologue qualifiait de domestication et d’humanisation, de socialisation » Verdier, ibid. 105. 33Dans la plupart des sociétés occidentales contemporaines où la gestion des corps revient à la médecine, cette tâche est déléguée au personnel des organismes de santé. Un sacré compatible avec la laïcité 34La conception du sacré à laquelle je me réfère est en phase avec celle de Bataille qui s’est lui-même inspiré de certains travaux ethnologiques 1957. Dans cette perspective, le sacré est rattaché à la transgression, c’est-à-dire au franchissement d’une frontière séparant ce qui peut être montré ou fait en des circonstances ordinaires et ce qui ne peut l’être qu’en des occasions exceptionnelles, voire illicites. Lorsque cette frontière est violée, le secret de ce qui doit habituellement être tenu à distance des sens est révélé la chose est exposée sans fard, c’est-à-dire sans l’interposition de ses représentations ou de ses voiles de convenance. On est alors dans l’extraordinaire qui peut être organisé comme tel au moyen de conventions socialement reconnues comme il est de règle au cours de cérémonies religieuses, mais aussi de l’examen médical ou des interventions chirurgicales ou médico-légales. 35L’exhibition de l’intimité corporelle est, de fait, celle qui est la plus susceptible de renvoyer à une transgression. C’est pourquoi il y a une contiguïté entre le sacré et, d’une part, les actes sexuels, d’autre part, la mort, tous pouvant se trouver conjugués dans des circonstances extrêmes, ce à quoi renvoie l’imagerie des œuvres de Sade, Bataille et Guyotat. Ce qui lie ces phénomènes est la présence excessive et sans médiation de la chair. De ce point de vue, le sacré renvoie à l’exhibition de l’intimité physique telle qu’elle est mise en place dans les rites où le corps est dénudé, soumis à des mutilations plus ou moins conséquentes, et où ses fluides ou excreta sang, sperme, urine, fèces jouent un rôle essentiel. Il en va ainsi dans des contextes culturels tels que celui des Aranda où des opérations parfois extrêmement sanglantes sont pratiquées sur les corps par les seuls initiés au cours de rites estimés des plus sacrés, ce pourquoi il est strictement interdit aux profanes d’y assister. Dans cette perspective, les blocs opératoires et les morgues renvoient à des lieux où le sacré est également à l’œuvre. 6 Dans cet article cité, en reprenant la définition de la religion proposée par Durkheim dans Les for ... 36De fait, les ethnologues travaillant dans des sociétés où le terme de religion ne renvoie, à l’origine, à aucun vocable indigène, rangent dans le registre du religieux, non seulement les croyances en des entités ou principes invisibles, mais également tous les phénomènes peu ou prou ritualisés. Or, dans ces contextes, le rite met en jeu le corps qui est tout ensemble son outil et sa matière » Fabre, 1987 4 et, bien entendu, ceux qui entourent la naissance et la mort y occupent, en général, une place de choix. Dans l’ensemble des sociétés occidentales d’aujourd’hui, ce type de rites renvoie aux pratiques médicales. Vu sous cet angle, les organismes de santé constituent les lieux d’un culte qui, bien que qualifié de laïc par les indigènes, n’en est pas moins le cadre de la mise en place, depuis l’émergence du biopouvoir Foucault, 1997 [1976], d’une religion centrée sur le corps Moisseeff, 2013b6. Les actions rattachées à ce culte sont rigoureusement encadrées par des législations restrictives punissant les dépassements aux transgressions qui y sont légalement autorisées et, pour cela même, déléguées à des officiants légitimés dans leur fonction par une initiation spécifique. 37L’initiation suivie par ceux qui occupent le haut de la hiérarchie, les médecins, consiste en tout premier lieu, comme nous l’avons vu, à les confronter à la mort qu’ils auront charge de combattre, en les introduisant ainsi d’emblée à l’aspect sacré de l’intrusion dans l’intimité des sujets qui est à la base du culte médical. Cet apprentissage se poursuivra, pour ceux ayant réussi le concours de l’internat, par ce qui renvoie au folklore des salles de garde. Sexe et pornographie y sont conviés et permettent de transgresser, en l’inversant, ce qui constituait la stricte discipline imposée aux officiants de la religion traditionnelle sous couvert de la continence sexuelle, voire de la virginité. Les rites ouvrant et fermant le temps de l’internat sont eux-mêmes sacrilèges vis-à-vis de la liturgie chrétienne et c’est pourquoi, bien que fondés sur la débauche, ils sont appelés baptême et enterrement. De fait, ce parcours initiatique dont la coutume a pris pied, en France, au début du xixe siècle Godeau, 2007, au sein même des temples de l’exercice, à savoir les hôpitaux, a permis à un personnel laïque d’en évincer progressivement les religieuses chrétiennes, seules jusque-là à y soigner les malades indigents Lalouette, 1991, 2006 ; Knibiehler, 1984 ; Huguet-Duguet, 1982. Dans ces institutions, ces initiés ne peuvent opérer sur le corps et ses constituants que dans des enceintes réservées à cet effet dont l’entrée est strictement interdite, hormis le patient concerné alors appréhendé comme un objet, aux non-initiés. Les matières manipulées et les instruments utilisés y sont considérés comme potentiellement, voire effectivement, contagieux, ce pourquoi ils sont soumis à des procédures de décontamination. 38L’objet le plus sacré de cette religion laïque est donc, à n’en pas douter, le corps, ce que mettent bien en évidence l’émergence récente et l’importance reconnue à la bioéthique et la référence à la nécessité de préserver la dignité humaine dans le cours d’actes médicaux de plus en plus intrusifs en recourant, dans la jurisprudence, aux notions d’inviolabilité et de sacré si problématiques dans un état laïque Gasnier, 2012 232 que les juristes leur substituent parfois, dans les textes de loi, des termes empruntés à la langue liturgique s’il en est qu’est le latin Baud, 1993. De fait, l’article 16-2 du Code Civil précise que Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des produits de celui-ci, y compris après la mort ». 39Cette consécration de la sanctuarisation du corps humain » Gasnier, ibid. 232 repose sur la préséance accordée à l’individualité physique pour fonder l’identité personnelle dans les sociétés occidentales contemporaines. On en prendra pour preuve la prégnance croissante des critères d’identification biométrique. En effet, le corps est une entité munie de limites suffisamment claires pour que leur visualisation, via l’échographie obstétricale, incline à reconnaître aujourd’hui au fœtus des droits élargis, de même que, depuis quelque temps déjà, l’accouchement est censé opérer une coupure suffisante entre la mère et l’enfant pour que celui-ci soit vu, dès la naissance, comme une personne à part entière. De ce point de vue, la prise en charge du corps par des organismes de santé participe de la religion laïque centrée sur le culte de l’homme anticipée par Durkheim 1914. De l’immortalité des corps dans l’Occident contemporain 40Dans les sociétés occidentales où le corps est devenu la référence première de l’identité personnelle, le cadavre semble avoir acquis un statut de plus en plus comparable à celui assigné au churinga chez les Aranda. En effet, en consacrant la sanctuarisation du corps humain », la loi a, dans le même temps, proclamé la nature sacrilège de toute atteinte au corps y compris après la mort ». Ce constat est d’autant plus remarquable que jusqu’à une période récente, en dehors des dispositions relatives aux funérailles », le cadavre n’intéressait pas le droit Gasnier, ibid. 230. La loi traitait la dépouille d’un simple mortel comme une chose, certes particulière mais néanmoins dépourvue de toute personnalité juridique. Aujourd’hui, en conséquence des pouvoirs sur les matériaux humains concédés à la biologie, l’origine et le terme de la trajectoire d’un sujet ont tendance à s’étendre en deçà et au-delà de ce qui la bornait traditionnellement la naissance et la mort. En effet, les nouveaux textes de loi ne protègent pas seulement le cadavre, au sens où nous pourrions l’entendre classiquement, à savoir le corps dans un état de décomposition plus ou moins avancé, sur lequel on peut cependant encore reconnaître la forme d’un corps humain, mais également les ossements, les cendres issues du corps, ou des parties de corps » ibid. 232. De manière corrélative, nous avons les plus grandes difficultés à nous séparer de nos défunts, ce dont témoigne l’injonction paradoxale au devoir de mémoire et au travail de deuil. 41Tout se passe comme si la gestion des corps au sein des organismes de santé avait permis de leur conférer une forme d’immortalité. En ayant développé les moyens de prolonger médicalement et ad vitam aeternam la vie organique, ils sont effectivement à même de maintenir entre la vie et la mort des individus en fort mauvais état, voire dont la mort cérébrale a été prononcée et qui pourront ainsi faire l’objet de prélèvements pour suspendre l’arrêt de mort pesant sur d’autres individus. Pour se débarrasser de ces corps devenus potentiellement immortels, on se retrouve donc devant l’obligation d’édicter de nouvelles lois autorisant l’euthanasie. Parallèlement à cet état de fait, on constate, d’une part, la multiplication des fictions mettant en scène zombies, vampires et autres morts-vivants, d’autre part, la propension à transformer le cadavre en artefact artistique particulièrement valorisé et subversif Carol, Renaudet, 2013 ; Walter, 2004a & b. Les expositions de cadavres plastinisés de Von Hagen en sont l’illustration la plus flagrante. En effet, si elles ont donné lieu, du côté des intellectuels et des décideurs publics, à nombre de polémiques, elles ont plutôt suscité l’admiration béate, voire une fascination quasi religieuse, du côté du grand public, certaines personnes s’étant portées volontaires pour devenir après leur mort l’objet de ce nouveau culte des reliques très incarnées Walter, 2004a. 42On voit donc qu’il est possible de reconnaître à cet objet cultuel naturel qu’est le cadavre les qualités requises permettant de l’instituer en artefact pérenne à l’instar du churinga. Mais on relèvera que chez les Aranda, le churinga, à la différence de la dépouille mortelle vouée à terme à une dissolution irrémédiable, est le seul élément ayant supporté l’identité spécifique du défunt qui, parce qu’il est doté d’une nature inaltérable qualifiée d’éternelle, est jugée digne de continuer à l’évoquer au-delà de la mort. Par contraste, dans les sociétés occidentales contemporaines telles que la nôtre, on a remplacé la discontinuité de la personnalité juridique par sa pérennité si bien que la personne humaine qui a été longtemps conçue comme l’usufruitière de son corps, de son vivant, semble en avoir obtenu, ces derniers temps, la nue propriété perpétuelle dès son décès. Par conséquent, le corps, cet objet qui a tant de difficultés à expirer, est susceptible de conférer à l’individu une éternité quasi similaire à celle conférée, chez les Aranda, au churinga. Chanson d’étudiants Illustration extraite de l’ouvrage Chanson d’étudiants, auteur inconnu 247-250. © Dépositaire Librairie Maloine Paris. Dans un amphithéâtre TerPhithéâtre, phithéâtre, phithéâtre,Tsouin, tsouin !Y’avait un macchabée TerMacchabée TerTsouin, tsouinQui sentait fort des pieds TerFort des pieds TerTsouin, tsouinCe macchabée disait TerIl disait TerTsouin, tsouinCe macchabée gueulait TerIl gueulait TerTsouin, tsouin Ah ! c’qu’on s’emmerde ici TerMerde ici, TerTsouin, tsouinOn va le disséquer TerDisséquer TerTsouin, tsouinAvec un spéculum TerSpéculum TerTsouin, tsouinOn enf’ra du pâté TerDu pâté TerTsouin, tsouinQui nous f’ra dégueuler TerDégueuler TerTsouin, tsouinChanson de salle de garde 1 Voir à ce sujet les auteurs auxquels font référence Déchaux 2001 et Memmi 2011. 1La mort, loin d’être devenue un sujet tabou dans les sociétés occidentales contemporaines, comme il est d’usage de l’affirmer depuis quelques décennies 1, est au contraire rendue omniprésente dans les médias elle fait la une des journaux papier ou télévisées, constitue la trame de nombreuses fictions littéraires et cinématographiques, de séries télévisées américaines très prisées et de témoignages autobiographiques, tandis que tout un chacun est sommé, de manière itérative et insistante, de faire un travail de deuil et/ou de mémoire vis-à-vis de ses défunts. En revanche, il est vrai que la réalité concrète du cadavre tend, elle, à être occultée, phénomène qui ne peut échapper à l’ethnologue travaillant dans des sociétés autres où sa présence préside à la structuration des rites funéraires et à la gestion des réactions émotionnelles des proches. Dans l’Occident d’aujourd’hui, le cadavre humain et son traitement tendent, en effet, à être l’exclusive des institutions médico-chirurgicales et médico-légales et l’analyse des procédures concrètes et réelles qui s’y déroulent est bien moins médiatisée ; on peut cependant relever qu’elles sont elles aussi le sujet de fictions séries et romans policiers américains de plus en plus nombreuses et ce depuis relativement récemment. Les réactions émotionnelles des endeuillés tendent, pour leur part, à être gérées à distance de cette présence lourde et abjecte de la décomposition de l’être aimé, notamment au travers des conseils prodigués par les psys en tous genres. Cet article propose de voir dans la multiplication des films d’horreur une façon de reconnecter l’abjection du corps mort avec les réactions fortes qu’elle suscite lorsque les personnes y sont directement confrontées. Or, s’il revient aux institutions médico-chirurgicales de faire le sale boulot » à l’écart du monde profane pour rendre aux morts un aspect tolérable, il revient, par contre, aux films d’horreur de réintroduire la dimension effroyable des corps morts en voie de putréfaction. C’est du moins l’hypothèse que tentera de soutenir cet article en montrant que si la gestion du cadavre renvoie, dans le monde réel, à des formes de transgression légitimées par l’appareil juridique, il faut ajouter de la transgression à la transgression légitime pour restituer, sur un plan fictionnel, son véritable aspect horrifique et son aptitude à nous affecter profondément. Pour étayer cette hypothèse, je vais me tourner vers le court-métrage Aftermath réalisé par Nacho Cerdà en 1994 qui occupe une place tout à fait singulière dans le cinéma d’horreur en raison de son caractère tout à la fois austère et particulièrement réaliste. La contingence de la mort 2Dans ce court-métrage de trente minutes, le générique d’ouverture qui dure quatre minutes fait partie intégrante du dispositif à partir des différents plans s’insérant entre la présentation des noms et du statut ou rôle des personnes mentionnées, il permet de planter le décor. Or, dans ce film où ne sera prononcée aucune parole sinon celles à peine audibles du chœur du Requiem de Mozart lors de séquences précises, le décor avec les cadavres et les sons qui en font partie va devenir l’un des protagonistes essentiels. Il s’agit de dévoiler progressivement aux profanes que nous sommes ce qui, dans une société ayant pourtant fait vœu de transparence, nous demeure ordinairement obstinément caché de la gestion de nos corps une fois que les professionnels de la mort en disposent derrière les murs de la morgue. Cette initiation va, en effet, nous conduire, sinon à toucher et à sentir, du moins à voir et à entendre ce qui est généralement occulté du traitement habituel du cadavre dans les instituts médico-légaux. Nous serons ainsi à même de ressentir l’effroi dont on tend à nous préserver à toute force. 3Plan noir. La porte d’une voiture que l’on ne voit pas claque. On entend le véhicule s’éloigner. Visualisation floue d’un cœur dont on entend par contre distinctement les battements. Sons de la voiture allant de plus en plus vite. Bruits de dérapage, grincements de freins, hurlements d’une femme, gémissements d’un animal. Apparition du nom du réalisateur en blanc sur fond noir, puis le blanc des lettres se transforme en rouge. 4Plan d’une étendue de neige blanche et terne évoquant un jour froid d’hiver au petit matin sur laquelle apparaît une marre de sang rouge puis la masse étalée d’un gros chien dont les yeux grands ouverts sont immobiles, la bête étant à l’évidence morte, une partie de ses intérieurs étant répandue sur la neige. C’est alors que le titre du film surgit Aftermath, ce qui renvoie à l’après-coup d’une catastrophe tel un holocauste. Ici, il s’agit des suites d’un accident de voiture mortel que nous allons suivre ; événement banal, malheureusement susceptible d’arriver à tout un chacun. Contraste donc entre la trivialité d’un événement du quotidien et l’irréversibilité de ses conséquences c’est le thème même du film, celui de la transformation soudaine d’un sujet vivant en pur objet de chair inanimé. Extrait du film La trilogie de la mort Déclinaisons morbides Photogramme extrait du DVD français La trilogie de la mort Déclinaisons morbides. Courts métrage de Nacho Cerdà, production Wild Side films, Espagne. © Nacho Cerdà - Wild Side films La descente aux enfers 2 Sur la façon de représenter la localisation spécifique de la morgue - hors du temps et de l’espace ... 5On aperçoit la tête d’une jeune femme allongée sur un brancard juste au moment où on la lui recouvre du drap blanc qui couvre déjà le reste de son corps. On ne voit plus d’elle que ses orteils émergeant de ce linceul ; à son gros orteil est attachée une banale étiquette portant son nom Marta Arnau. Cette défunte encore fumante va être notre Eurydice en suivant sa trajectoire, nous allons, tel Orphée, traverser la frontière qui sépare les vivants et les morts en descendant peu à peu dans les tréfonds de l’hôpital 2, à l’exemple de Dante parcourant les différents cercles de l’Enfer. Le véhicule de ce passage est un ascenseur franchissant un à un les sous-sols successifs. Chacun des paliers permet de nous introduire un peu plus avant dans le Saint des Saints où se gère l’irrémédiable, en nous en révélant chacun des éléments de sa structure avant que nous y découvrions la matière qui y est traitée. 6Niveau moins un, nous apercevons les armoires frigorifiques métalliques verticales contenant les tiroirs où l’on entrepose les cadavres. Les lumières de deux scialytiques s’allument en même temps au-dessus de deux tables d’autopsie massives, métalliques, révélant une salle de morgue carrelée entièrement de blanc divisée en deux parties semblables au fond un grand évier en inox à deux robinets, flanqué de part et d’autre d’une armoire métallique au-dessus de laquelle est disposée une étagère contenant des récipients en plastique vides. Ordre, propreté et symétrie presque parfaite. 7Niveau moins deux. On distingue une petite croix en argent au bout d’une chaîne sur une surface métallique grise et froide. Le message est clair la foi de la jeune femme ne l’a pas protégée. On entend un claquement de porte qui se referme celle d’un tiroir à cadavre ?. Vues successives rapides d’un gros billot métallique posé sur un plateau en métal, des instruments chirurgicaux multiples ciseaux, pinces, écarteurs, bistouris de différentes formes et tailles alignés les uns à côté des autres sur une surface métallique. Tout est ici encore parfaitement froid, ordonné et propre. Extrait du film La trilogie de la mort Déclinaisons morbides Photogramme extrait du DVD français La trilogie de la mort Déclinaisons morbides. Courts métrage de Nacho Cerdà, production Wild Side films, Espagne. © Nacho Cerdà - Wild Side films 8Le petit ding » de l’ascenseur nous signale l’arrivée au niveau moins trois est-il encore temps de revenir sur ses pas ?. Vue sur une étagère où sont disposés des bocaux en plastique transparent à bouchon noir de différentes tailles alignés sur une étagère et dans lesquels on aperçoit maintenant du liquide jaunâtre dans lequel trempent des morceaux d’organes. Se superpose en transparence une fiche formulaire, non encore remplie, concernant l’âge, le sexe, la taille, le poids corporel [du cadavre] et des différents organes en précisant à chaque fois le sexe / cœur, poumons, foie, reins, rate, surrénales, testicules, ovaires, cerveau. 9Niveau moins quatre. Vue sur des poignées et des robinets en métal rutilant ici l’asepsie est réglementaire. 10Niveau moins cinq. Un évier en inox, un autre en émail, chacun pourvu d’un robinet en inox ; un portant dans lequel sont placés des tubes de prélèvement en plastique avec des bouchons rouges. Bruit d’un enregistrement cardiaque avec graphiques en rouge de l’électrocardiogramme dont le mouvement commence par s’affoler pour se ralentir ensuite progressivement et finalement dessiner une ligne plate rouge tandis que le son devient une sonnerie stridente continue indiquant l’arrêt cardiaque définitif. Le Requiem de Mozart qui nous a accompagné jusque-là s’arrête, remplacé par ce son strident et rémanent. Nouveau claquement de porte. Une petite croix blanche sur fond noir s’inscrit et s’intègre aux mots du générique soulignés par une ligne rouge produit, écrit et dirigé par Nacho Cerdà. 11Niveau moins 6. Le générique est terminé, nous sommes arrivés dans les entrailles de l’hôpital, on ne peut descendre plus bas… Un jeune brancardier en tenue blanche d’hôpital avec son walkman sur la tête apparaît dans l’ouverture de l’ascenseur poussant devant lui son chariot brancard recouvert d’un drap d’où sortent les orteils du cadavre et l’étiquette du gros orteil. On entend ses pas et des bruits insolites. Il s’éloigne dans un couloir sombre. Un autre type de musique classique se fait entendre, moins solennelle que le Requiem. Le brancardier passe devant un couple, assis sur des chaises de salle d’attente, dont on subodore qu’il s’agit des parents de la jeune morte la femme a blotti sa tête contre l’épaule de son compagnon et on l’imagine en train de pleurer silencieusement. La main d’un membre du personnel dont on ne voit pas le visage tend à l’homme qui s’en saisit en refermant la main sur elle, la croix suspendue à la chaîne. Seul élément personnel aperçu de la jeune fille, elle est rendue à ceux qui fondent son identité sociale, ses parents ; son corps, une fois qu’il a été parfaitement dépersonnalisé, appartient désormais au personnel de la morgue. 12La croix, symbolise, on le sait, La Passion, ensemble des souffrances et supplices qui ont précédé et accompagné la mort du Christ en tant qu’être de chair à l’instar des simples mortels. Elle symbolise aussi l’âme rattachant les humains à la transcendance en fondant leur affiliation à la divinité. L’Église est l’institution qui se consacre à cette part intangible et immortelle des sujets et qui est ainsi susceptible de prodiguer assistance et consolation aux survivants, fonction présentifiée par la messe pour les morts qu’est le Requiem. Cette tâche la distingue fondamentalement de celle déléguée à l’institution laïque par excellence qu’est l’hôpital public, aspect souligné ici à la fois par l’interruption du Requiem et par l’absence d’échange de paroles entre les parents et l’agent hospitalier. Dans ce temple séculier, point de réconfort. Nous sommes confrontés à la froideur, la solitude et la désolation associées à l’anonymisation de la mort que les procédures hospitalières rigoureuses d’asepsie symbolisent si bien la décontamination des corps est aussi bien physique que relationnelle. Si l’on estime si nécessaire d’ériger l’humanisation des hôpitaux en droit, c’est que la déshumanisation y règne en fait. Dans leur enceinte, les profanes, ici les parents, se distinguent immédiatement, par leurs vêtements, des professionnels portant les tenues si repérables du personnel hospitalier. Les patients » se situent entre les mondes civil et professionnel et sont eux-mêmes répartis en deux cohortes, les vivants et les morts, ces derniers à la totale merci des professionnels. Extrait du film La trilogie de la mort Déclinaisons morbides Photogramme extrait du DVD français La trilogie de la mort Déclinaisons morbides. Courts métrage de Nacho Cerdà, production Wild Side films, Espagne. © Nacho Cerdà - Wild Side films Une transgression légale 13De fait, nous voici ramenés dans la morgue où le jeune brancardier au walkman empaquette avec soin dans du plastique blanc le cadavre posé sur un plateau métallique sorti en partie du casier métallique de l’armoire à cadavres. Pas de sang ni sur le brancardier, ni sur le plastique. Son travail fait, il pousse le plateau dans le casier où le cadavre empaqueté et étiqueté est entreposé. 14Nous sommes alors immédiatement mis en face d’une autre scène un médecin légiste retire avec quelque difficulté une bague sur la main d’un cadavre masculin allongé encore habillé. On nous fait par la même occasion ressentir la rigidité cadavérique de ceux qui sont cantonnés à l’immobilité, l’horizontalité et la passivité, faisant contraste avec les verticaux » à qui revient l’exclusivité du mouvement et de l’action. Les doigts du mort sont maculés de sang, un bracelet blanc d’identification enserre son poignet. La bague est déposée sur un petit plateau métallique au milieu des instruments de dissection. On entend les bruits métalliques des instruments et ceux des vêtements que l’on déchire. Les deux médecins légistes qui opèrent chacun sur leur cadavre respectif portent des blouses et des cagoules bleues, en papier tout comme leurs masques chirurgicaux dissimulant leur bouche et leur nez, et des gants verts bordés de jaune en caoutchouc semblables à ceux des ménagères. Ce sont des couleurs froides tout comme le blanc des murs et du sol carrelés et de l’émail de l’évier où les légistes se nettoient les mains, des bocaux en plastique, et le gris métallisé du matériel, instruments et mobiliers en acier ou en inox. Les couleurs chaudes, ce sont paradoxalement les cadavres dénudés qui les portent, ceux dont on voit les visages aux yeux ouverts et les sexes bien en vue le rouge du sang recouvrant leur corps, les différentes nuances de marron de leur peau. Nous voyons et nous entendons les couteaux aiguisés par les légistes. Nous sommes confrontés régulièrement aux instruments, à la scie circulaire et à la ficelle utilisée pour rapiécer grossièrement les corps ouverts et dépecés, à l’instar de volailles que l’on recoud en cuisine après les avoir éventrés et farcis. Le corps est ici traité comme une viande à dépecer dont les légistes sont les bouchers. Chacun place la tête du cadavre dont il s’occupe sur un billot métallique afin de l’ouvrir à l’aide d’une scie circulaire dont nous entendons, nous qui sommes des spectateurs passifs à l’instar des sujets pourfendus, le bruit strident ; nous voyons le sang gicler sur la blouse et le masque des légistes. Puis des pinces géantes sont utilisées pour écarter les os du crâne tandis que le bruit de décollement des tissus se fait entendre ; le cerveau est retiré, disposé sur une balance métallique, et des chiffons sont enfoncés dans le crâne évidé générant des bruits de succion liés à l’absorption des liquides céphalorachidiens. Le crâne reste vide et béant. Les cages thoraciques et les abdomens sont ouverts au couteau et à la pince. La graisse jaune et les organes internes apparaissent. 15Aux pieds des tables d’autopsie sont disposés des éviers en inox avec des tuyaux en caoutchouc destinés à nettoyer le sang au jet. Le travail répugnant va ici de pair avec une obsession pour la propreté soulignée par Cerdà dans ses commentaires. Paradoxalement ce souci de faire disparaître les traces du sale travail participe de la froideur, de la mise à distance, de la dépersonnalisation des individus traités en objets. 16Le jeune brancardier au walkman, les mains dans les poches de son pantalon blanc, l’allure désinvolte jette un œil au travail des légistes, son visage exprime une légère inquiétude. Dans cet univers, il est d’ailleurs le seul être vivant dont nous voyons le visage dans son entier puisque nous ne percevons de celui des légistes, masqués et cagoulés, que les yeux. Il est à la fois l’intermédiaire entre les vivants et les morts, et le pont jeté entre les profanes et les vrais professionnels. Il observe les autopsies de loin, protégés par son walkman des bruits abominables provoqués par les gestes de profanation pratiqués sur les défunts qui sont, pour leur part, sourds, muets et aveugles. L’un des médecins légistes, que je nommerai no 2, regarde soudain drôlement le jeune homme qui s’éloigne, nous laissant seuls dans ce monde de la transgression légitime. Plus rien ne nous rattache maintenant à l’univers d’en haut. Nous voici coincés dans ce cloaque et nous devons abandonner toute espérance nous ne pouvons que contempler ce que l’on nous impose de voir et d’entendre, et, à l’exemple de Dante, nous sommes devenus les yeux et les oreilles des morts suppliciés dans cet enfer. 3 Cette animation » des cadavres et leurs couleurs chaudes » renvoient à l’intentionnalité de Ce ... 17L’un des légistes nettoie le cœur qu’il vient d’arracher et fait couler du liquide dans un récipient où il place ensuite l’organe. L’autre légiste se saisit du foie et des morceaux d’intestins qui traînent sur la table et les jettent dans le thorax ouvert, il y place aussi le cerveau et appuie sur le tout pour refermer les parois préalablement largement éversées du tronc. Lorsque les corps sont grossièrement cousus pour fermer leur thorax, les cadavres tressautent donnant l’insolite impression qu’ils s’animent et qu’ils sourient 3. Le sang s’écoule dans l’évier et se mélange à l’eau du tuyau d’arrosage qui sert à nettoyer grossièrement les corps avant de les replacer dans leur housse en plastique fermée à l’aide d’un zip aux bruits si caractéristiques. Le travail légal du légiste consistant à mettre à nu les chairs et à les manipuler et, par là, à violer la sacralité des corps à des fins reconnues d’utilité publique, est terminé. Légiste no 1, celui qui exerce son travail sans état d’âme mais honnêtement, incarnant ainsi la norme de la transgression légalement définie, disparaît du champ à l’instar du brancardier. Nous sommes donc prêts à descendre un peu plus profond dans l’horreur. La perversion Extrait du film La trilogie de la mort Déclinaisons morbide Photogramme extrait du DVD français La trilogie de la mort Déclinaisons morbides. Courts métrage de Nacho Cerdà, production Wild Side films, Espagne. © Nacho Cerdà - Wild Side films 4 Les ouvrages de Ganche 2012 [1909] et Hennig 2007 [1979] sont à cet égard particulièrement riches d ... 18Vue sur légiste no 2 malaxant dans sa main avec délectation des débris humains ensanglantés tout en regardant le pénis de son » cadavre. Nous sommes introduits ici à une autre forme de transgression cette fois clairement prohibée par la loi le plaisir éprouvé à manier les chairs pour satisfaire des pulsions personnelles indues. Les membres du personnel des morgues ont précisément peur, non seulement de banaliser leur expérience au point de ne plus ressentir ni crainte ni dégoût, mais pire encore de pouvoir être accusés d’en ressentir du plaisir Laudanski & Jeanjean, dans cet ouvrage. Ce que le réalisateur vise maintenant à nous montrer, c’est le passage au travers du miroir réfléchissant les questions obsédantes que se posent les profanes et que doivent habituellement combattre dans leur for intérieur les professionnels de la mort 4 quelles sont les motivations profondes des gens exerçant un tel travail ? Que se passerait-il si l’on franchissait la limite des gestes imposés et que l’on s’impose à soi-même, limite qui ne doit normalement pas être enfreinte sous peine d’être dans la perversion vis-à-vis des autres mais aussi, et plus fondamentalement encore, vis-à-vis de soi-même ? En nous révélant l’autre côté du miroir, Cerdà va nous permettre d’entrevoir la tension éprouvée au quotidien par ces professionnels ressentir l’effroi tout en le tenant à distance, tout faire pour préserver sa normalité en effectuant un autre travail dans le civil, tenter ainsi d’éviter la contamination possible de sa vie personnelle et affective par l’expérience vécue au contact de la putréfaction Laudanski & Jeanjean, ib.. Nous sommes également amenés à comprendre l’isolement dans lequel les confine la part abjecte de leur métier. Ils ne peuvent la partager qu’avec leurs semblables, les autres initiés. 19La première partie de notre introduction dans la morgue visait à nous montrer de manière documentaire et aussi réaliste que possible le travail légal qui s’y déroule. Cerdà dit bien qu’il décrit alors ce qu’il a vu lors de son travail d’observation dans une morgue, sans inventer ni fictionnaliser, mais au contraire en retranchant les choses bien pires qu’il y a vues. C’est pourquoi, il a tourné dans une vraie morgue en utilisant tout le matériel qui s’y trouvait, seuls les cadavres sont faux et participent d’effets spéciaux tout à fait remarquables. Ce que Cerdà nous montre par la suite est d’un autre ordre la fiction est introduite dans la morgue au moyen de la mise en scène soignée et particulièrement éprouvante d’actes pervers nécrophiles ; elle réalise les fantasmes que les non professionnels de la mort peuvent aisément projeter quant aux transgressions potentielles qui peuvent y être accomplies. L’horreur fictionnelle rajoutée à l’horreur réaliste va paradoxalement réintroduire de l’affect, une émotionnalité qui avait préalablement été soigneusement évacuée en montrant des légistes accomplissant uniquement des gestes techniques sans échanger quoi que ce soit entre eux ou avec leurs cadavres. Dans la réalité, l’émotion s’exprime en fait au travers de plaisanteries incessantes, voire par des blagues que se font les agents du personnel. La plaisanterie, loin d’être l’expression d’une pure grossièreté, est une façon d’introduire du débordement contenu ; c’est un garde-fou permettant de réinjecter de l’humanité dans un univers voué à la déshumanisation. C’est précisément ce que Cerdà a souhaité éliminer de son scénario pour ne pas risquer de verser dans le grotesque ; il ne voulait pas se faire complice des spectateurs en leur tendant gentiment la main par le biais du rire ou même de l’humour. Le grotesque aurait servi d’échappatoire, ce qui est le propre du cinéma gore ordinaire. C’est ce qu’a parfaitement compris l’acteur jouant le rôle de no 2, Pep Tosar, qui affirme que la scène du viol nécrophile est la plus difficile qu’il ait eu à jouer de toute sa vie. Il a dû aller puiser aux tréfonds de lui-même pour atteindre la vérité de son personnage, exigeant, avant et après la scène du viol nécrophile, de rester seul pendant de très longs moments, pour se préparer, puis pour récupérer. Cette vérité renvoie, d’après lui, à la solitude abyssale de cet homme et à son besoin corrélatif d’absorber la force vitale de tout ce qui l’entoure, y compris celle des cadavres » Si j’avais permis que mes mécanismes de défense m’éloignent de la réalité que je jouais, j’aurais frôlé le grotesque. On aurait fait une scène comique. La seule possibilité était de le faire pour de bon. C’était une ligne trop fragile pour le jouer avec moins de tension. ». 20Soulignons aussi qu’au moment du tournage de cette scène, la plupart des membres de l’équipe, gênés ont quitté le plateau. 21Raccord de champ blanc se fondant sur une vue du carrelage blanc qui recouvre les murs de la morgue. No 2 lit les fiches d’un dossier de ses yeux noirs aux sourcils épais éminemment inquiétants dans leur expression lourde. Il regarde en direction d’un des casiers où sont entreposés les cadavres et nous voyons celui portant l’étiquette Marta Arnau ». Il s’empresse de ramener ce nouveau cadavre encore engoncé dans sa housse de plastique blanc qu’il défait rapidement. Il dépose le corps sur la table d’autopsie et le regarde longuement. La morte est simplement vêtue d’un soutien-gorge noir et d’une jupe rose très courte pourvue d’une ceinture noire. Il caresse le visage maculé de sang aux yeux ouverts, s’arrête sur les lèvres, le menton. Il va fermer à clé une porte, prend dans son casier personnel une sacoche en cuir noir et retourne auprès de la morte. Il fait glisser l’un des ciseaux chirurgicaux le long de la ligne médiane de l’abdomen jusqu’au milieu du soutien-gorge qu’il coupe et retire. Il défait la ceinture, regarde la petite culotte blanche en haletant lourdement et la coupe. Le sexe de la jeune femme apparaît en plein milieu du champ. La musique du Requiem qui avait cessé lors de la fin du générique d’ouverture reprend sans couvrir pour autant le bruit des ciseaux et de la respiration du légiste. No 2 recommence à caresser le visage de la morte tout en saisissant un couteau. On ne voit plus que l’évier en inox mais on entend un bruit de décollement indiquant qu’il est en train de commencer l’autopsie avec son couteau. Le Requiem cesse laissant place aux seuls bruits de l’eau s’écoulant. 22Plan noir indiquant un changement de champ. Nous voyons le carrelage blanc où des gouttes de sang tracent un chemin jusqu’à no 2 qui a posé sur la balance métallique le cerveau de la morte. 1 kg 283. Il se dirige ensuite vers l’évier où il nettoie soigneusement son long couteau à grande eau. Il revient vers la table d’autopsie et caresse avec son tranchant la ligne médiane du visage de Marta alors qu’une musique de fond mécanique s’élève. Il passe la lame de son couteau sur le front, les lèvres, le menton, la ligne médiane du thorax, va vers les seins et fait le tour d’une des aréoles, puis descend et remonte à plusieurs reprises sur la ligne médiane de l’abdomen et du thorax dans un mouvement de va-et-vient répété de plus en plus rapide et enfonce finalement à toute force et à plusieurs reprises son couteau-godemiché dans le sexe de la jeune femme. Nous entendons dans le même temps les bruits consécutifs de succion. Le sang coule dans l’évier. Le couteau finit par tomber au sol. Dans la scène suivante, nous découvrons qu’il a ouvert le thorax et l’abdomen transformés en marécage de chair humaine macérant dans le sang. Il triture le sang et ces chairs tandis que le Requiem reprend. Il glisse sa main droite sous sa blouse pour sortir son sexe sans que nous ne voyions celui-ci et se masturbe tout en malaxant de la main gauche les organes thoraciques de la morte tandis que nous entendons ses gémissements de plaisir. Il jouit et tombe à genoux alors que le Requiem se poursuit. 23Champ sur le bac de l’évier en inox et sur la sacoche noire en cuir. Il prend des photos du cadavre complètement dénudé, ensanglanté et ouvert, puis du sexe de la morte. Le Requiem cesse. No 2 dispose son Nikon au milieu de la table à instruments, revêt l’un de ses gants en caoutchouc, enduit ses deux doigts de la main droite de vaseline pour un rapport anal ?, retire ses chaussures et son pantalon tout en conservant sa blouse et sa cagoule en papier bleu ainsi que son masque. Il se met au-dessus de la morte, lui fait l’amour tout en se prenant en photos en automatique 36 prises !. On n’entend les prises automatiques, et les halètements-gémissements de sa jouissance, le tout sans aucun support musical. Bruits et mouvements s’accélèrent, ses jambes sont nues mais il a conservé ses chaussettes. Cette scène est d’autant plus pénible qu’elle semble durer une éternité près de deux minutes. No 2 finit allongé sur le cadavre comme s’il avait épuisé toute son énergie dans cette tâche. 24Fondu noir. Le Requiem reprend. Au sol sont éparpillés le foie, une partie des intestins, de la graisse jaunâtre. Vue sur la boîte de pellicule photo vide puis sur le cerveau toujours disposé sur la balance. Vue sur la morte, les yeux et la bouche ouverts, complètement recouverte d’un voile de sang. Vue sur une bouteille de whisky ouverte posée sur le bord de l’évier. No 2 ramasse les débris humains tombés à terre et les dispose sur un petit plateau métallique. Il découvre le cœur et le met à part dans un petit sac en plastique transparent. Il remet les poumons, le foie, etc. dans le thorax de la morte, referme grossièrement le tout en rabattant la paroi éversée et remet la morte dans son sac en plastique blanc sur lequel est inscrit au crayon-feutre Arnau Marta. Puis il nettoie au jet d’eau les éviers et les tables métalliques. Longue vue sur la propreté retrouvée de la table d’autopsie, comme si rien ne s’était passé. Dépourvu de sa blouse en papier bleue, en vêtements civils, jean bleu et chemise noire, il jette à la poubelle ses gants en latex qu’il portait sous ses gants en caoutchouc, et se nettoie soigneusement les mains. Il glisse le petit sac contenant le cœur dans sa sacoche noire en cuir. Vue sur l’évier en émail blanc dans lequel il s’est nettoyé les mains qui sont maintenant parfaitement propres et dont la robinetterie en inox est rutilante. Puis il sort de la morgue en éteignant les lumières. La musique du Requiem de Mozart s’arrête alors. Home, sweet home 25Plan noir. Bruit d’une moulinette électrique de cuisine puis vue occupant tout le champ sur la chair rouge en train d’être moulinée avec au centre l’œil » en inox des couteaux de la moulinette en train de tourner nous regardant avec insistance comme l’œil de Dieu sur Caïn. 26On entend No 2 siffler gentiment son chien. Une porte s’ouvre sur un couloir blanc mais chaleureux aux murs décorés de gravures, on aperçoit dans une pièce attenante des étagères couvertes de boîtes d’alimentation et des bouteilles de vins. No 2 apparaît dans un pyjama d’intérieur blanc bordé de noir, très souriant et affable c’est la première fois que nous pouvons le dévisager en entier. Un gros chien apparaît dans le couloir, haletant gentiment et se précipitant sur le plat en inox que son maître, tout en lui donnant quelques caresses, dépose sur le sol au-dessus de journaux. No 2 referme la porte du couloir nous laissant avec le chien qui mange bruyamment avec appétit. Pin-pon très assourdi d’une ambulance passant au loin. S’entrouvre alors la pièce où se trouve No 2 un salon confortable. Les pieds posés sur sa table basse, il fume, regarde la télévision et manipule sa télécommande comme tout un chacun. On entend très faiblement le bruit d’un bébé pleurant quelque part tandis qu’apparaît un fondu noir et que nous entendons à nouveau de la musique classique, mais non le Requiem. Nous nous retrouvons dans le couloir déserté par le chien son plat en inox contient quelques débris de viande crue, certains éparpillés sur les papiers journaux. Une vue rapprochée sur ces derniers révèle des notices nécrologiques maculées de débris de viande. L’une d’elles concerne Marta Arnau Marti ; surmontée d’une croix noire, elle précise que Marta est décédée le vingt-cinq décembre et que ses parents, sa famille et ses amis adressent une prière pour elle. Le mouvement de la caméra nous fait entrevoir un gros titre beaucoup plus accrocheur annonçant qu’une jeune Indienne de 18 ans est devenue Miss Univers. Fondu noir puis la musique du Requiem reprend tandis que le générique de fin apparaît. Extrait du film La trilogie de la mort Déclinaisons morbides Photogramme extrait du DVD français La trilogie de la mort Déclinaisons morbides. Courts métrage de Nacho Cerdà, production Wild Side films, Espagne. © Nacho Cerdà - Wild Side films Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas Extrait du film La trilogie de la mort Déclinaisons morbides Photogramme extrait du DVD français La trilogie de la mort Déclinaisons morbides. Courts métrage de Nacho Cerdà, production Wild Side films, Espagne. © Nacho Cerdà - Wild Side films 5 Là encore, les propos de Cerdà viennent appuyer cette perspective … it’s a film against viole ... 27À première vue, tout se passe comme si le film surenchérissait dans la déshumanisation des cadavres. La première partie quasi documentaire, nous a transformés en témoins du traitement scandaleux et pourtant légal de la profanation qu’ils subissent. Rien ne semble ne nous avoir alors été épargné puisque le contraste entre, d’un côté, la froideur du décor et des instruments, l’absence totale d’expression émotionnelle des légistes et, de l’autre, le dépeçage méthodique et outrageant accompli redouble notre sentiment d’horreur. Et, pourtant, les gestes de profanation sacrilège perpétrés par le légiste nécrophile sont encore plus insoutenables que les précédents et rendus plus odieux encore du fait qu’il se complaît à les photographier et que les bruits de sa jouissance prolongée nous indisposent à l’extrême. Cependant, en suivant le devenir du cœur de la défunte, nous allons pouvoir constater que, par un effet paradoxal lié précisément au recouvrement de la transgression légale mais impersonnelle par une transgression parfaitement illégitime mais hautement personnelle, les chairs de la défunte vont être réhumanisées 5. 28Le cœur et ses battements sont symboliquement associés, dans notre culture, au ressenti émotionnel, à l’attachement et à l’amour, toutes choses qui semblent totalement bannies du film où, en apparence, c’est le cœur en tant que pur organe anatomique qui prend le pas sur l’expression des sentiments. Pourtant il se fait entendre dès les premiers instants, au cours même du générique présentant avec minutie le sujet du film. C’est d’ailleurs l’arrêt de ses battements, auxquels se substitue la sonnerie électronique de l’électrocardiographe, qui signe l’arrêt de mort et l’entrée dans la morgue. Et c’est après avoir fait l’amour, certes d’une façon des plus violentes, à la jeune morte que le légiste pervers découvre le cœur de la défunte et le saisit. Or, dans ce deuxième volet, nous sommes dans la fiction, ce qui nous autorise à déchiffrer l’imaginaire sous-jacent au symbole utilisé alors qu’il se débarrasse hâtivement des autres restes humains, il prend tout particulièrement soin de ce morceau de choix qu’il glisse dans sa sacoche après l’avoir mis dans un petit sac transparent. Il le ramène dans son petit nid douillet et c’est avec affection qu’il en fait offrande à son chien bien aimé après l’avoir passé dans son mixeur personnel. Son appartement, bien qu’il soit propre, n’a rien de l’aspect aseptisé de la morgue. N ° 2 qui a définitivement quitté sa tenue professionnelle pour réintégrer le civil et la civilisation ? et endosser un confortable pyjama n’est plus obsédé par la propreté il ne s’empresse pas de nettoyer les débris humains restés sur les papiers journaux et dans la gamelle. Chez lui, la saleté relative des surfaces ne paraît pas l’incommoder. Le personnage maintenant affable a recouvré son visage et des sentiments humains ordinaires nous le voyons enfin sourire et nous l’entendons siffloter. Il a réintégré un univers où les sons sont ordinaires et humains pin-pon lointain d’une ambulance, pleurs d’un bébé, bruits de télévision sont autant d’indice que nous avons rejoint la surface terrestre où s’égayent les vivants. Et c’est dans cette atmosphère familière et intime qu’il a rapporté l’organe des sentiments de Marta qui avait été préalablement reléguée dans un tiroir interchangeable de l’armoire frigorifique à cadavres. 6 En dépit du fait que ce chien soit un rottweiler, une race considérée comme des plus dangereuse, co ... 29Dans ce final, le chien si vivant et sympathique 6 ressuscite en quelque sorte celui qui a été tué par la défunte lors de l’accident de voiture inaugural qui leur a été fatal à tous deux. En ingérant la chair de la jeune femme, l’animal domestique bien aimé lui permet d’être incorporée et, ainsi, réintégrée au cycle de la vie la résurrection de sa chair est assurée. Je me sens d’autant plus justifiée à filer la métaphore de la résurrection par ingestion qu’avant de faire ce film, Cerdà avait eu l’intention d’en faire un autre associant le sexe au cannibalisme. Par ailleurs, il repère lui-même l’étrange relation existant dans Aftermath entre sexe, mort et obsession de rendre toute chose immortelle en se prenant en photo au cours de son rituel macabre, le légiste s’immortalise dans les bras de la morte. 30Quoi qu’il en soit, c’est en retrouvant la chaleur du foyer ayant accueilli son cœur que Marta recouvre sa qualité de sujet humain possédant une identité personnelle et relationnelle la notice nécrologique qui lui est dédiée exprime la prière que lui adressent publiquement ses parents, sa famille et ses amis, elle qui est morte le jour de la naissance du Christ, et la croix surmontant cette annonce se substitue à celle dont elle a été dépossédée à la morgue. Son corps périssable est certes voué à la dissolution mais son âme est sauve élue d’entre tous les morts de la morgue, suppliciée plus que les autres, elle est assurée d’entrer sans délai au paradis. 31Il est donc bien question ici d’une forme de consolation et de résurrection, des éléments religieux bel et bien évoqués au travers du Requiem de Mozart qui ponctue de façon significative la succession des scènes. En effet, quand Dieu invoqué par le chœur s’absente, le monde n’est plus que bruits. De fait, l’accompagnement sonore est un autre repère essentiel pour déchiffrer les allers-retours entre déshumanisation et réhumanisation. Notons tout d’abord que la musique religieuse du Requiem confère une solennité à l’événement que représente le passage de la vie à trépas au cours des génériques d’ouverture et de clôture du film. Entre ces deux moments, elle sert à souligner, lorsqu’elle cesse de retentir, d’une part l’abomination des bruits accompagnants les gestes profanateurs de transgression légale et perverse perpétrés dans la morgue, d’autre part, la trivialité des sons qui émaillent l’univers familier de no 2. Le choix de cette musique est particulièrement adéquat, non seulement parce qu’elle est une messe pour les morts mais également parce qu’elle évoque la mort prématurée, en décembre, comme celle de Marta, de son auteur décédé lors de sa composition. 32Nous voyons donc que le redoublement de la transgression par les actes illicites commis par un individu pervers apparaît comme un moyen fictionnel paradoxal pour réhumaniser ce qui a été déshumanisé par le traitement anonymisant médico-légal. L’horreur surajoutée à l’horreur a suscité, en outre, chez nous des émotions intenses compensant leur absence apparente au sein de l’institution hospitalière. C’est ce qu’exprime à sa manière un des fans de ce film culte Aftermath is not enjoyable in any way. And that is why I liked it so much. [...] I’ve seen a lot of depraved stuff as the insatiable schizoid cinemaphile that I am. But Aftermath remains the ONLY film I can remember that has EVER kept me so enraptured and revolted at the same time. I’ve never seen a movie before [...] that has made me lose my appetite. Aftermath did just that. [...] The gore in Aftermath is [...] realistic to the point of being highly unsettling. [...] It is all depicted in a very hard, cold, hollow way. [...] The first time you watch it you sit there in silence, enveloped by what you’re seeing. [...] Aftermath is a bleak, unnerving, disturbing film. It is not meant to entertain you. It is meant to move you. It is meant to make you feel that sick feeling in the pit of your stomach. » 33Nous voyons donc que le redoublement de la transgression légale mais impersonnelle et, par là, anonymisante, par une transgression illégitime mais personnalisée la perversion constitue le dispositif d’humanisation du cadavre auquel contribuent les films d’horreur, un dispositif remédiant de manière efficace à la distanciation aseptisante du traitement médico-légal de la mort. Il revient donc à ce genre de films le mérite de restituer la dimension oblitérée de la mort, l’effroyable putréfaction à laquelle renvoie le cadavre maintenue à distance du monde profane par le processus de civilisation des mœurs Elias 1973 [1969] et, par la même occasion, de nous affecter profondément sans verser, dans ce cas précis, dans le pathos ou le grotesque. Demeure le pathétique susceptible de nous préparer à supporter la confrontation avec le cadavre de nos proches à laquelle il est peu probable que nous puissions échapper. 34Les ethnologues rangent les rites dans le registre du religieux, et tout particulièrement ceux qui mettent en jeu le corps. De ce point de vue, les institutions médicales participent d’une forme certaine de religion laïque dans les sociétés occidentales contemporaines Moisseeff 2013. Les travaux pratiques d’anatomie et de dissection des cadavres constituent la première étape de la trajectoire initiatique suivie par les officiants du culte occupant le plus haut grade, les médecins Godeau 2007 ils les confrontent d’emblée et de façon très crue à la mort et, par là, à la manipulation impudique des corps qu’ils n’auront de cesse de pratiquer sur les vivants et les morts. Cet apprentissage se poursuit, pour ceux ayant réussi le concours de l’internat, dans les salles de garde où le folklore pornographique et scatologique des carabins est de règle. Les rites ouvrant et fermant le temps de l’internat, bien que fondés sur la débauche, sont appelés baptême et enterrement. 35Cette référence insistante au sacré, associée à des pratiques éminemment transgressives, n’est de mon point de vue aucunement fortuite si l’on se réfère à la conception du sacré de Bataille 1957, 2004. Dans cette perspective, le sacré est nécessairement rattaché à la transgression, c’est-à-dire qu’il renvoie au franchissement d’une frontière entre ce qui peut être exhibé ou pratiqué et ce qui doit ordinairement être tenu secret, maintenu à distance des sens et, notamment, de la vue et du toucher. Lorsque cette frontière est violée, on est dans l’extraordinaire qui peut être organisé comme tel au moyen de conventions socialement reconnues, comme c’est le cas au cours de l’examen médical ou des interventions chirurgicales ou médico-légales. L’exhibition de l’intimité corporelle est, de fait, celle qui est la plus susceptible de renvoyer à une transgression. C’est pourquoi, il y a une contiguïté entre le sacré et, d’une part, l’érotisme, d’autre part, la mort, les trois pouvant se trouver conjugués dans des circonstances extrêmes, ce à quoi renvoie l’imagerie des œuvres de Sade, Bataille et Guyotat mais aussi du film dont il est ici question. Selon moi, ce qui lie ces phénomènes est la présence excessive du corps en tant que tel, c’est-à-dire sans médiation. 36Ainsi le poids de la corporéité en excès du cadavre révèle une intimité que la présence de la subjectivité du sujet vivant qui l’animait masquait avant sa mort. Dans cette perspective, le sacré renvoie à l’exhibition de l’intime au cours de laquelle la présence lourde et concrète du corps au travers de sa nudité et/ou de ses sécrétions telles que sang, sperme, urine, excréments est essentielle, par opposition aux représentations distancées du corps et de ses substances que nous offre la liturgie chrétienne. Les salles d’urgence, les blocs opératoires, les morgues et les salles d’autopsie renverraient donc beaucoup plus qu’on ne le croit, et en dépit de toute la sophistication technologique de l’outillage utilisé, à des lieux où le sacré est à l’œuvre. 37L’exhibition de l’intime confronte ceux qui en sont témoins à une altérité radicale qui met d’autant plus mal à l’aise qu’elle fascine et dégoûte à la fois, toutes choses qui ont précisément à voir avec la conscience d’enfreindre l’interdit marquant la frontière qui sépare ce qu’on a habituellement le droit de percevoir ou de faire et ce qui ne peut l’être qu’en des circonstances exceptionnelles. La conscience de transgresser ce qui est d’ordinaire un interdit joue un rôle essentiel dans toutes les procédures ritualisées mises en place dès qu’il est question d’opérer sur les corps. Pour qu’il y ait transgression par rapport aux codes ordinaires de sociabilité, il faut qu’une limite soit franchie et, pour ce faire, il est nécessaire qu’elle soit, dans le même temps, maintenue. C’est cette limite que le personnel médical est habilité à franchir grâce à l’initiation qui lui en ouvre le droit et dont on comprendra alors que le sexe et la mort y jouent un rôle fondamental Godeau ibidem. 38La froideur affective résultant des mesures aseptisantes mises en place dans les institutions médicales et médico-légales, si bien mise en évidence par Cerdà, est d’autant plus choquante que la matière qui en fait l’objet est humaine. Le scandale procède de la transformation d’un sujet en chose, en morceau de viande. Ces mesures sont le corollaire nécessaire à la distance requise d’un personnel constitué de non intimes à qui l’on délègue la tâche sacrilège de faire intrusion dans les intimités de ceux qui leur sont étrangers. Des gestes affectueux en cette occasion cantonnent aisément à la grossièreté et à la goujaterie, d’où l’interdiction d’avoir des relations sexuelles avec ses patients. C’est donc en vertu de la transgression légale à laquelle ils sont autorisés qu’ils se doivent de maintenir une distance affective. Cette barrière protectrice est la condition même permettant aux praticiens de continuer à exercer leur art transgressif sans faillir. Mais du point de vue d’observateurs extérieurs, cette mise à distance, protectrice tant pour les patients que pour les praticiens, est aisément perçue comme de la froideur gratuite. 39Une façon de s’en sortir est de pratiquer un autre type de transgression, celle de l’humour, qui se surajoute à la transgression médicale. Il peut aisément être perçu, là encore, comme pure grossièreté. Pourtant, il sert fréquemment à réhumaniser la relation soignant-soigné, en exprimant l’humanité du praticien face à l’humanité de son patient. L’humour le plus grossier exprimé en groupe et hors champ est également un garde-fou lorsqu’il est exercé à distance par des praticiens ayant à vivre des scènes extrêmes les confrontant à l’urgence, à la crainte de perdre la bataille contre la mort, et à des tableaux particulièrement insoutenables. C’est ce qu’exprime la chanson de carabin que j’ai mise en exergue. S’y pencher est beaucoup plus intéressant et instructif qu’il n’y parait au premier abord. Notons tout d’abord que la puanteur évoquée est bien gentille les salles d’autopsie seraient des paradis si elle ne concernait que les pieds… Par ailleurs, la parole est d’abord donnée au macchabée à lui l’honneur de gueuler qu’il s’emmerde ici. Et si on le menace de le disséquer avec un spéculum, c’est qu’il est bien question de rappeler la réticence naturelle à aller voir dans ses entrailles ce qui est censé y rester. Le spéculum sert à regarder à l’intérieur du sexe de la femme, à jeter un œil sur cette origine du monde si énigmatique d’où jaillit la vie alors même qu’il est question de l’intimité d’un cadavre euphémisé. Et le pâté dans lequel on va le transformer est cette bouillie à laquelle aboutie la dissection requise par l’initiation de ces novices, si peu ragoûtante pour eux qu’elle les fera dégueuler »... Ce qui s’exprime dans cette chanson aux tonalités joyeuses et rigolotes – et il est vrai qu’il est très plaisant de l’entonner en chœur –, ce sont donc les dessous de la basse besogne dont le commun des mortels est si bien préservé de nos jours en Occident. Si les gardiens du secret en tire gloire et privilège, c’est qu’elle sous-tend, malgré tout, la sacralité de leur fonction, une chose que nous a permis de rappeler une fiction bien mauvais genre. Coronavirus dans les universités un relâchement des gestes barrières ? 000118 Sous le signe de l'épidémie de la Covid-19, la période de partiels dans les universités s'effectue actuellement en présence de capteurs de CO2. En confiant l'un de ces petits boîtiers blancs à un étudiant de l'école du Louvre, pendant un amphithéâtre, nous avons pu constater la présence de partie par millions ppm, soit beaucoup plus que le seuil recommandé de 800 ppm. Au moment d'annoncer les résultats aux élèves, ces derniers n'ont pas semblé inquiets. "J'avoue que c'est quelque chose qui ne m'effraie pas plus que ça", lance une jeune femme, "Ça ne m'inquiète pas plus qu'en soirée", répond un autre étudiant. "Je préfère prendre le risque d'être malade pendant une semaine que de ne plus aller en cours comme on l'a vécu l'année dernière, ce qui a été très compliqué pour les étudiants", argumente encore un élève. Pour limiter les risques, une jauge de moitié s'applique dans les amphithéâtres, avec 300 élèves maximum pour 600 places au total, et 100% de l'air est renouvelé en permanence. Des mesures toutefois insuffisantes puisque selon leurs calculs, le taux de CO2 y est de ppm, un résultat supérieur au seuil recommandé. L’actualité par la rédaction de RTL dans votre boîte mail. Grâce à votre compte RTL abonnez-vous à la newsletter RTL info pour suivre toute l'actualité au quotidien S’abonner à la Newsletter RTL Info Dans ce dossier, nous avons volontairement écarté le Temple de la vision d’Ézéchiel et celui mentionné par l’apôtre Jean dans l’Apocalypse, ces deux temples se situant dans le cadre d’une vision les Saintes Écritures, quatre Temples ont été érigés au sein du peuple d’Israël Le Tabernacle Le Tabernacle, au contraire des trois temples qui lui ont succédé, fut un édifice constitué d’éléments qui étaient entièrement démontables et transportables. Il était prévu comme sanctuaire lors des pérégrinations du peuple hébreu dans le désert du Sinaï vraisemblablement entre le XIVe et XIIe siècle avant Tabernacle, mot qui signifie tente, de l’hébreu, mishkan ou tente d’Assignation, c’est à dire la demeure du Témoignage, de la Loi, était un sanctuaire mobile» dont l’importance dans les Écritures est marquée par les chapitres 25 à 31 et 35 à 40 du livre de l’Exode, soit 13 chapitres. À cela il faut ajouter de nombreuses références dans le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome et jusque dans le Nouveau Testament, les chapitres 8 et 9 de l’Épître aux Hébreux. Image ci-contre vue générale du Tabernacle avec la nuée qui rappelait la présence de Dieu Shekina. Il était orienté face au soleil levant. © ConstructionLes Écritures nous rapportent comment Moïse reçut sur la montagne du Sinaï la vision du Tabernacle, tel qu’il devait le faire construire, pour être la Demeure de Dieu» au milieu de son plan du Tabernacle, avec ses trois parties le Parvis, le Lieu saint et le Lieu très saint, fut donc conçu selon les directives précises de l’Éternel. Il était orienté vers l’Est faisant face au soleil Tabernacle était placé au milieu des douze tribus d’Israël à qui étaient attribuées des emplacements bien définis et, en particulier pour les Lévites, des fonctions particulières. La responsabilité des différents accessoires du Tabernacle faisait partie des attributions des Lévites sous la conduite du Grand prêtre. Pour visionner la page du Tabernacle dans le désert → Lever du soleil sur le probable mont Moïse à gauche de l’image dans le sud du Sinaï. © Mountains Hunter. 1246113445. Le Temple de Salomon – Le Premier Temple Le premier Temple est celui bâti à Jérusalem au Xe siècle avant Selon les Écritures, sa construction commencée la quatrième année du règne de Salomon ~ 964 avant est achevée en sept ans et six mois. Il a été complètement détruit et rasé en 586 avant par les armées néobabyloniennes de Nabuchodonosor II Le Nebucadnetsar de la Bible. Sa constructionLe roi David rassembla, pour ce projet, non seulement des matériaux précieux mais aussi des sommes considérables pour l’époque. Il fit alliance avec Hiram, roi de Tyr qui lui procura du bois de sanctuaire fut élevé par Salomon, sur le mont Moriah, à l’emplacement de l’aire d’Ornan, le Jébuséen 2 Chroniques 3, 1, et toujours selon la Bible, à l’endroit de la ligature d’Isaac» traditionnellement appelée le sacrifice d’Isaac.Le plan général reproduisait celui du Tabernacle, mais ses dimensions étaient plus grandes et sa décoration plus somptueuse. Images ci-contre deux versions possibles du Temple de du haut la version avec le vestibule du bas La version avec le vestibule ouvert.© Théo Truschel. L’intérieur du sanctuaire mesurait 60 coudées de long sur 20 de large ; sa hauteur de 30 coudées 1 Rois 6, 2 différait de celle du Tabernacle qui n’avait que 10 coudées de haut la coudée est évaluée à 47 cm environ. Le Temple était constitué des trois parties distinctes Le Parvis, le Lieu saint et le Lieu très murs étaient en pierres taillées et lambrissés de haut en bas. De nombreux chérubins, palmes et fleurs étaient sculptés sur les parois. La toiture et le plafond étaient en cèdre du Liban 1 Rois 6, 9. Un parquet composé de planches de cyprès recouvrait le sol. Tout l’intérieur était plaqué d’or Et toute la maison était recouverte d’or » 1 Rois 6, 22.Sa destructionTout au long de la Période royale d’Israël, plusieurs rois puisèrent dans les trésors du Temple pour acheter le pouvoir politique ou la paix. C’est sous le règne du roi Josias ~ 640-609 avant que furent entrepris d’importants travaux de restauration 2 Rois 22, 4.En 586 avant Jérusalem a été assiégée, prise, le Temple pillé et détruit par l’armée néobabylonienne du roi Nabuchodonosor ne subsiste de nos jours aucune trace des travaux entrepris par Salomon. Les constructions ultérieures sur le Mont du Temple et aux alentours, en particulier celles d’Hérode, ont effacé les structures plus anciennes qui s’y trouvaient. Actuellement les fouilles archéologiques qui permettraient de retrouver quelques vestiges du Temple de Salomon se heurtent à des obstacles politiques et religieux insurmontables, car il faudrait toucher à l’Esplanade des Mosquées, lieu de culte musulman qui se trouve édifié à son emplacement probable. À défaut de preuves directes, nous pouvons considérer les quelques éléments suivants – L’existence d’un temple-fortin érigé, à Arad au nord-est de Bersabée, datant du Xe siècle avant probablement du temps de Salomon et dont la configuration générale un Lieu saint, un Lieu très saint et un autel construit en pierres brutes retenues par de la glaise conformément à une prescription d’Exode 20, 25, correspond à un lieu de culte hébreu.– La découverte récente d’un ostraca inscriptions sur des fragments de poterie, daté du VIIIe-VIIe siècle avant qui comporte le texte suivant…comme t’a ordonné Ashyyahou, le roi, de donner par l’intermédiaire de Zakaryahou l’argent de Tarshish pour le Temple de Yahvé trois sicles».Cette offrande était destinée au Temple de Yahvé c’est à dire au Temple de Jérusalem. C’est la première fois qu’un tel don est mentionné dans un texte extrabiblique. Certains y ont vu une allusion au roi Josias ~ 640 avant Temple de Zorobabel Le deuxième Temple est celui dit de Zorobabel, prince de Juda. Rebâti par les Judéens au retour d’exil vers 531 avant Il aurait été achevé vers 515 avant sous l’Empire médo-perse. Nous savons peu de choses sur cet ouvrage. Les éléments dont nous disposons sont surtout rapportés dans les livres d’Esdras, Aggée, Néhémie et Zacharie ainsi que dans quelques sources historiques sous les règnes des rois hasmonéens. Image ci-contre une vue générale aérienne du mont du Temple à Jérusalem. L’une des rares sources historiques fiables relatives à cette période est l’œuvre de l’apologiste juif Joseph ben Matthias, également connu sous le nom romain de Flavius Josèphe. D’abord prêtre du Temple d’Hérode le Grand de Jérusalem, Josèphe devint l’un des chefs de la révolte juive de 66 après en Galilée. Cette révolte fut durement réprimée par les Romains. Après s’être rallié aux vainqueurs de la Judée, Il accompagna Titus à Rome et commença une carrière d’historien, de chroniqueur et de défenseur de la culture juive auprès des oligarques de l’Empire. Dans une œuvre polémique intitulée Contre Apion, Josèphe cite une description de Jérusalem faite par Hécatée d’Abdère, un historien grec contemporain d’Alexandre le Grand et qui vécut à la fin du IVe siècle avant Le Temple qu’il décrit est celui qui fut élevé à l’époque d’Esdras et de Néhémie Près du centre de Jérusalem, un mur de pierre entoure une zone de cinq pléthrons un pléthron vaut environ 30 mètres de long sur 50 de large. Cette zone est accessible par deux portes. Dans cette enceinte se trouve un autel carré, construit avec des pierres ni taillées, ni scellées, mais seulement assemblées. Chaque côté mesure vingt coudées de long ~ 10 mètres et dix coudées de haut ~ 5 mètres. À proximité se trouve un grand édifice qui contient un autel et une ménorah, tous deux en or massif et pesant deux talents » Contre Apion 1, 198.Dans la tradition biblique, la période de la domination perse est marquée par trois événements majeurs la restauration du Temple ~ 515 avant la reconstruction des murs de Jérusalem par Néhémie ~ 445 avant et la promulgation de la Loi par le prêtre Esdras. Ce furent les facteurs essentiels du rétablissement de la communauté juive après la captivité de Babylone. Le besoin de préserver le peuple juif et son mode de vie contre les influences extérieures se fit alors fortement édits royaux ont été prononcés en faveur des Juifs par les souverains de Perse Vers l’an 538 avant un an après la prise et la chute de Babylone, le roi Cyrus II le Grand proposa aux Judéens de retourner à Jérusalem pour reconstruire le Temple Esdras 1,1-4. Il restitua tous les ustensiles du Temple de Salomon saisis par Nabuchodonosor II et nomma Zorobabel gouverneur de la colonie. Conduits par ce prince de Juda, le souverain sacrificateur Josué et d’autres princes, un certain nombre de Juifs rentrèrent à Jérusalem. Josué, chef religieux et Zorobabel, chef politique, élevèrent un autel à l’Éternel et rétablirent le culte Esdras 3,1-9. Les adversaires des Juifs s’adressèrent alors aux rois de Perse successifs et réussirent à faire cesser momentanément les travaux jusqu’en 520 avant 2e année de Darius Hystape.Vers 520 avant le roi Darius encouragea la reprise de la construction du Temple, qui avait été interrompue par les ennemis des Juifs Esdras 6,1-12. La construction du Temple s’acheva au début du printemps 515 avant Esdras 6,14-15 ; Aggée 1 et 2 et Zacharie 4. Le Deuxième Temple est souvent appelé Temple de Zorobabel. Ce prince, descendant du roi David, figure au nombre des ancêtres directs de Jésus-Christ Matthieu 1,12-13.Vers 445 avant Artaxerxès Ier, fils de Xerxès Ier, rédigea un ordre en faveur de Néhémie, pour l’autoriser à reconstruire la muraille de la ville de Jérusalem Néhémie 2,8.Il autorisa Esdras et plus tard Néhémie à rentrer à Jérusalem. Il donna à Esdras une lettre lui confiant la charge des affaires civiles et ecclésiastiques de la nation juive. Une copie de ce décret peut être trouvée dans Esdras 7, aurait quitté Babylone, dans le premier mois de la septième année de règne d’Artaxerxès Ier, à la tête des Juifs qui comprenaient des prêtres et des Lévites. Certains historiens estiment que cet évènement se serait plutôt déroulé sous le règne d’Artaxerxès II. Vers la page sur Darius Ier le Grand →Une vue générale de la maquette reconstituant la ville de Jérusalem au temps du roi Hérode le Grand et de Jésus de Nazareth. On discerne, en haut à gauche de l’mage, le Temple érigé par Hérode. Musée d’Israël, Jérusalem. © Musée d’Israël. Le Temple d’Hérode le Grand Le troisième Temple le deuxième » du nom, un important complexe de style gréco-romain, construit par Hérode le Grand, a été détruit en 70 de notre ère lors du siège de Jérusalem par l’armée romaine de Titus. L’un des rares vestiges qui nous reste est le Kotel le Mur Occidental de soutènement du Temple. Sa constructionPour reconstituer ce prestigieux édifice, trois sources sont à notre disposition la Bible, les écrits de Flavius Josèphe et le Middot traité de la le savoir-faire remarquable des Romains, Hérode se lança dans d’importants chantiers de construction de 25 à 13 avant le théâtre, l’amphithéâtre et les murailles de Jérusalem. Il restaura la forteresse Antonia où fut emprisonné plus tard l’apôtre Paul qui permettait la surveillance du Temple et qui communiquait avec son palais par un le chef d’œuvre d’Hérode reste une extraordinaire reconstruction du Temple de Jérusalem dont on disait à l’époque que celui qui n’a pas vu le Temple d’Hérode n’a rien vu de beau dans sa vie ». Hérode employa 10 000 ouvriers et les espaces réservés à l’exercice religieux furent construits exclusivement par un millier de prêtres. Il a fallu dix ans pour construire les murs de soutènement autour du Mont du Temple. Le Mur occidental appelé aussi Kotel ou Mur des Lamentations» ne constituait qu’une partie de ce mur de soutènement de 500 mètres de long, conçu pour contenir une immense esplanade artificielle. Image ci-contre une maquette reconstituant le Temple d’Hérode exposée au Musée d’Israël à Jérusalem. © Musée d’Israël. Alors qu’Hérode commençait à développer un culte à l’égard de l’empereur, il s’engagea en contrepartie, auprès des prêtres de Jérusalem, à reconstruire le Temple. Le projet fut absolument gigantesque et les travaux durèrent près de 80 ans…! C’est à dire qu’ils concernèrent les trois générations des Hérodiens qui furent à la tête de la Judée. Commencés vers 20/19 avant les travaux ne se terminèrent que vers 64 après Certes Hérode ne vit pas la fin de son projet, mais les travaux avaient bien avancé à sa mort. Le Temple proprement dit était fini et l’effort portait sur les immenses portiques édifiés en périphérie et sur le mur d’ d’Hérode, retenue par le texte de Flavius Josèphe Antiquités Juives, livre XV, était d’élargir les dimensions de l’enceinte du Temple de l’époque de Zorobabel et d’élever le site à une hauteur plus Temple de Jérusalem devait posséder les dimensions nécessaires pour accueillir les foules de pèlerins venant de toute la diaspora. Ville entièrement tournée vers le culte divin quotidien d’une grande originalité, Jérusalem était encore plus animée trois fois par an lors des grandes fêtes de Pessah Pâque, au printemps, de Chavouot des moissons à l’été et de Soukkot des cabanes, à l’automne. D’infinies précautions furent prises pour que le culte puisse continuer à être rendu dans ces conditions et pour que les lois concernant la pureté puissent être scrupuleusement respectées. Image ci-contre devant le Kotel, des Juifs orthodoxes célèbrent la fête des Cabanes Soukkot. Elle commémore le séjour du peuple hébreu dans le désert. © Todd Bolen. En 10 après la Dédicace du Temple put être célébrée. Il ne faut pas confondre cette fête de la Dédicace avec celle mentionnée dans Jean 10,22 qui concerne la Dédicace du Temple lors de la révolte des Maccabées. Occupé par les Séleucides grecs, Jérusalem fut reprise par Juda Macchabée 164 avant le Temple nettoyé et le culte de l’Éternel put ainsi être restauré. Cet événement est toujours commémoré par la fête juive de Hanoucca aussi appelée Fête des Lumières » Novembre ou décembre selon les calendriers.Sa destructionPour comprendre la révolte de 66 qui aboutit à la destruction du Temple et de Jérusalem par l’armée romaine, il est utile de prendre en compte la multiplication des conflits religieux auxquels vient se mêler une contestation politique exacerbée par la présence de l’ l’un des meilleurs généraux de l’Empire, mis à la tête d’une armée de 60 000 hommes, reçoit l’ordre d’en finir. Accompagné de son fils Titus, il soumet la Galilée et prend Tibériade. En 68, la Judée est isolée et les rebelles ne contrôlent plus que Jérusalem, Bethléem et Massada sur la mer début de 70, Titus, avec quatre légions, met le siège devant Jérusalem protégée par ses trois enceintes. En face, si l’on s’en tient à Flavius Josèphe, les Juifs disposaient de 20 000 hommes armés. Les Romains comblent les fossés mettent en position leurs machines de guerre et le 25 mai, Titus s’empare du premier rempart. Le 30 mai, du second. Titus offre aux insurgés de se rendre, et bien que la famine règne dans la ville ils refusent. Titus investit complètement la ville ; le 20 juillet la citadelle Antonia est prise. Le 27 août, l’assaut final est donné au Temple qui est incendié. Image ci-contre buste de l’empereur Vespasien, fondateur de la dynastie flavienne,Musée du Louvre. © Shako. Il ne reste plus qu’à réduire Massada devenue le refuge des derniers zélotes commandés par Éléazar. La forteresse hérodienne ne sera prise que le 2 mai 73. Les 960 personnes qui y résistaient encore se seraient données la mort à l’exception de deux femmes et de cinq enfants. Un million cent mille personnes auraient péri au cours des combats ou par suite de la Judée perd toute autonomie. Le didrachme jadis versé au Temple de Yahvé l’est à celui de Jupiter. La terre d’Israël n’est plus qu’une colonie consulaire. Quand Titus, victorieux, revient à Rome, il reçoit un accueil triomphal de la part de Vespasien, son père, qui lui avait laissé le soin de terminer cette campagne. Le butin et les prisonniers sont exhibés dans toute la ville afin que tous puissent les contempler. Georges Brassens Jean Bertola TransposerGeorges Brassens Jean BertolaSong A A C7Calme, confortable, officiel, Fm CmEn un mot résidentiel, D A Tel était le cimetière où, B7 E7 Cet imbécile avait son trou. C E7 Comme il ne reconnaissait pas, Am EmLe bien-fondé de son trépas, F C L'a voulu faire, aberration ! Fm C G7 C E7Sa petite résurrection. A C7Les vieux morts, les vieux ici-gît », Fm CmLes braves sépulcres blanchis, D A Insistèrent pour qu'il revînt, B7 E7Sur sa décision mais en vain. C E7 L'ayant astiquée, il remit, Am EmSur pied sa vieille anatomie, F C Et tout pimpant, tout satisfait, Fm C G7 C E7Prit la clef du champ de navets. A C7Chez lui s'en étant revenu, Fm CmSon chien ne l'a pas reconnu D A Et lui croque en deux coups de dents, B7 E7Un des os les plus importants. C E7 En guise de consolation, Am EmPensa faire une libation, F C Boire un coup de vin généreux, Fm C G7 C E7Mais tous ses tonneaux sonnaient creux. A C7Quand dans l'alcôve il est entré, Fm CmEmbrasser sa veuve éplorée, D A Il jugea d'un simple coup d'œil, B7 E7Qu'elle ne portait plus son deuil. C E7 Il la trouve se réchauffant, Am EmAvec un salaud de vivant, F C Alors chancelant dans sa foi, Fm C G7 C E7Mourut une seconde fois. A C7La commère au potron-minet, Fm CmRamassa les os qui traînaient D A Et pour une bouchée de pain, B7 E7 Les vendit à des carabins. C E7 Et, depuis lors, ce macchabée, Am EmDans l'amphithéâtre tombé, F C Malheureux, poussiéreux, transi, Fm C G7 E7Chante Ah ! ce qu'on s'emmerde ici » ! F C Malheureux, poussiéreux, transi, Fm C G7 CChante Ah ! ce qu'on s'emmerde ici » ! Georges Brassens > Le Revenant >

dans un amphithéâtre y avait un macchabée